Et si TikTok devenait l'une des sources d'information les plus importantes d'un conflit possible entre la Russie et l'Ukraine? La question est rhétorique: comme l'explique Wired, la plateforme de vidéo offre déjà aux gouvernements et aux professionnels de l'«open source intelligence» (OSINT), tel l'excellent site Bellingcat, des renseignements précis et utiles pour savoir ce qui se cache derrière les alertes de Washington ou les réponses de Moscou.
En Ukraine, du côté Russes voire dans la Biélorussie voisine, qui pourrait devenir un acteur majeur d'un conflit que Joe Biden ne cesse de dire proche malgré les annonces de retrait du Kremlin, depuis largement contredites, TikTok fourmille de vidéos de tanks russes surgissant dans le quotidien et sur les routes tranquilles des habitants du coin.
Russian tanks in Kurskpic.twitter.com/0AWEazhNaY
— marqs (@MarQs__) February 5, 2022
Курск pic.twitter.com/OMC6pkQQDL
— IgorGirkin (@GirkinGirkin) February 12, 2022
Малиновий , Курська обл. 07.02.2022 pic.twitter.com/wT6DqG4ja7
— 4emberlen (@4emberlen) February 9, 2022
Ces petites vidéos, publiées sur TikTok et relayées partout ailleurs, ne font pas que le bonheur de réseaux sociaux chauffés à blanc. Comme les images satellites fournies par des acteurs comme Maxar, qui ont par exemple permis de découvrir la construction russe d'un bien surprenant pont militaire sur la rivière Pripyat, en pleine zone d'exclusion de Tchernobyl, elles donnent de solides indications à divers acteurs sur ce qui se passe réellement dans ces zones.
«Il y a beaucoup de données dans tout ça», explique ainsi à Wired Benjamin Strick, responsable des enquêtes pour le Center for Information Resilience (CIR), une organisation non gouvernementale dont la mission est «d'identifier, de contrer et de dévoiler des opérations d'influence».
Le peuple espion
Depuis quelques semaines, le CIR et d'autres organes spécialisés dans l'OSINT utilisent ces vidéos pour en confirmer ou infirmer la véracité, notamment en comparant certains de leurs détails spécifiques à la réalité du terrain grâce à des images satellites ou photos plus anciennes des lieux.
Et si les sources, images ou photos prises et publiées par de simples citoyens, sont nombreuses, «TikTok est clairement l'une des plateformes principales utilisées pour documenter tout ceci», précise Eliot Higgins, fondateur de Bellingcat.
Benjamin Strick du CIR note également que si nombre de ces vidéos sont capturées par des personnes lambda, simplement étonnées de voir des convois massifs de tanks bloquer la circulation de leur bled tranquille, d'autres semblent être publiées de manière plus délibérée par des comptes créés avec cet objectif spécifique.
Dans les deux cas, elles sont si nombreuses que les équipes du Center for Information Resilience a développé un algorithme spécifique, capable d'aller fouiner les flux infinis de TikTok pour y dénicher toutes ces vidéos montrant des mouvements militaires à la frontière ukrainienne, y compris en Biélorussie.
As part of a joint monitoring #osint task-force of Russian troop movements together with @CITeam_en and @the_ins_ru, so far we see no evidence of a withdrawal of RU troops from the Ukraine border.
— Christo Grozev (@christogrozev) February 15, 2022
Des données précieuses qui ont permis à Bellingcat ou d'autres spécialistes de l'OSINT déclarés comme indépendants, tels la Conflict Intelligence Team ou Insiders, basés à Moscou, de confirmer les récentes déclarations de l'OTAN: non, les troupes russes ne sont pas retournées dans leurs casernes et oui, une invasion continue à menacer.