Dans sa courte mais passionnante exploration des légendes de jeux hantés qui, depuis les origines, circulent chez les amateurs de la chose vidéoludique, Ars Technica, associé au Financial Times, livre un article digne d'intérêt qui commence par celle de Lavanville, l'un des lieux mythiques du bon vieux Pokémon Red sur Gameboy.
Ainsi va l'histoire, explique le site. Le «Thème de Lavanville», musique jouée par le jeu lors de l'arrivée dans le sanctuaire, aurait des propriétés très particulières liées à des fréquences que seules les jeunes personnes peuvent percevoir.
Un «syndrome de Lavanville» («Lavender Town Syndrome» en anglais) pourrait modifier la chimie du cerveau et, dans les cas les plus extrêmes, déclencher des crises de psychose. Il se raconte ainsi que près de 200 enfants japonais auraient lâché leurs petites consoles portables pour se jeter par la fenêtre, emportés par cette folie programmée.
«Il se raconte»: ce sont bien entendu des bobards, une légende urbaine qu'aiment à se raconter les gamers en mal de sensations redresse-poils. Auteur de l'article, Tom Faber note que ces histoires ont évolué avec l'apparition d'internet.
Les logiciels «hantés», ou plus exactement dans lesquels leurs développeurs parfois très éloignés des canons industriels ont planqué quelques easter eggs en guise de signature secrète, existent depuis que les logiciels existent.
Un logiciel aussi a priori barbant qu'Excel 95 ne comprenait-il pas l'étrange Hall of Tortured Souls, proto-jeu vaguement horrifique s'ouvrant par une série de commandes exotiques et dans lequel ses développeurs se mettaient en scène?
Copier-coller-trembler
Mais le surgissement des forums a donné une nouvelle forme et une nouvelle substance à ces histoires, qui cette fois ne reposent souvent que sur l'imagination folle de leurs créateurs, puis sur la puissance déformatrice et amplificatrice du bouche-à-oreille virtuel.
Ce sont les fameux «creepypastas», ces légendes horrifiques dont la forme et la manière sont nées sur 4chan dans les années 2000, qui se copient et se collent d'un support à l'autre, s'agrémentant à la force de l'imagination des uns et des autres de nouvelles idées, de nouvelles théories, de nouveaux épisodes, de nouvelles rumeurs.
«Les “creepypastas” sont populaires parce qu'elles réintroduisent de l'inconnu dans un monde où tout s'explique sur Wikipédia», écrit fort justement Tom Faber. Qui note également que les jeux vidéo, par leur nature logicielle, sont des terreaux propices pour de telles histoires hantées –virus, bugs qui semblent signifiants, lieux et secrets cachés par les développeurs, ils contiennent leurs propres possibilités infinies de sous-mondes fantomatiques.
Parmi ces histoires pour se donner la frousse le soir au coin du feu virtuel, Ars Technica cite celle de Herobrine, personnage mystérieux et malfaisant de Minecraft que certains joueurs auraient pu apercevoir, les yeux blancs et l'air menaçant, entre les amas de pixels du jeu.
Le site revient également sur la légende initiale de Polybius, un jeu d'arcade expérimental qu'aurait créé la CIA dans les années 1980 pour provoquer divers drames dans les cerveaux des gamers, des envies suicidaires aux cauchemars horrifiques en passant par des épisodes d'amnésie.
L'une de ces «creepypastas» les plus élaborées et fameuses reste celle connue sous le nom de «Ben Drowned». Elle conte l'histoire d'un jeune homme, Jadusable, à qui un vieil homme aurait vendu, dans un vide-grenier, une cartouche hantée de The Legend of Zelda: Majora's Mask.
S'ensuivent une histoire alambiquée et cauchemardesque et, surtout, des dizaines de développements multimédias qui ont fait de Ben Drowned l'une des œuvres collectives les plus denses du folklore moderne et 2.0.