Celles et ceux portant un regard plus ou moins attentif sur la chose guerrière connaissent Kratos Defense. La firme est notamment connue pour son drone armé et furtif XQ-58A Valkyrie, qui a effectué son premier vol en 2019, dont l'US Air Force pourrait réceptionner un premier exemplaire opérationnel dans les prochains mois, et sur lequel elle fonde de très profonds espoirs.
Kratos ne compte pas s'arrêter là –et le gouvernement américain, qui voit la «guerre low cost» et les engins ad hoc prendre une importance stratégique majeure, non plus. Lors d'un rapport financier, le président de la firme, Eric DeMarco, a ainsi annoncé qu'elle commençait à plancher, comme d'autres fournisseurs habituels du Pentagone, sur un projet encore très secret et nommé «Off-Board Sensing Station» (OBSS).
Comme l'explique The Drive, les détails sur l'OBSS sont, par nature, très limités. «Oui, il y a très peu de détails publiquement disponibles sur cette opportunité, a bredouillé DeMarco. Très peu. Mais c'est un système “attritable” et low cost. [...] C'est un programme qui a des ramifications.»
«Attritable»? Anglo-saxon, le terme se réfère à la guerre d'attrition, une guerre d'usure vieille comme le monde et les sièges d'antan, lors de laquelle on cherche à battre l'ennemi en débordant et en épuisant ses capacités techniques, humaines et financières.
Comme pour le XQ-58A Valkyrie ou les appareils similaires conçus en Chine ou en Turquie, l'idée est de produire en grande quantité des appareils techniquement pointus, mais peu coûteux, donc dispensables sans grande douleur pour l'armée qui l'opère. Dans sa philosophie, elle rejoint également le souhait émis par un ponte de l'US Air Force d'un remplaçant au F-16, compétent mais peu dispendieux.
Le XQ-58A Valkyrie coûte entre 2 et 3 millions de dollars, selon les quantités produites. À titre de comparaison, il faut compter 90 millions de dollars pour un F-35, qui de surcroît est piloté par un être humain dont la vie doit être protégée à tout prix.
Jetable à tout faire
C'est la division «Ghost Works» de Kratos Defense, spécialisée dans ces projets discrets, qui se chargera de concevoir cette suite logique –mais peut-être différente dans sa taille comme au niveau de sa forme– du XQ-58A Valkyrie.
Ce dernier a été conçu en deux ans et demi seulement pour être le coéquipier offensif d'avions pilotés, voire pour constituer un essaim offensif et sans humain dans le cadre du projet Skyborg. Ses capacités ne cessent de s'élargir –il a récemment réussi à déployer une sorte de mini-drone ALTIUS-600.
Les techniques de conception rapide, désormais commune dans le secteur, comme le prouve la naissance de la Digital Century Series, et le savoir que Kratos a accumulé en matière de matériels comme de logiciels devraient servir de bases utiles au développement faste et peu coûteux de l'OBSS.
De manière peu commune, la plateforme technologique de l'OBSS devrait devenir la propriété du gouvernement américain, qui pourrait ensuite l'adapter ou la faire adapter à sa guise et à la volée pour répondre à des menaces changeantes.
Comme l'explique The Drive, le rôle exact de l'«Off Board Sensing Station» reste flou. Capable d'aller chercher l'information là où l'armée ne risquerait pas la vie d'un être humain, il pourrait être la pierre angulaire, le centre de commandement et de communication des essaims de drones sur lesquels l'armée américaine, comme ses rivales, planchent activement.
L'OBSS pourrait également être la cheville ouvrière des armements à très longue portée, intelligents et interconnectés, que concoctent actuellement le Pentagone. Lancé à grande distance des zones à risque, ils nécessiteront la présence sur le front d'engins capables de coordonner les attaques, de déterminer les cibles, et de mener la mort à elles –user l'ennemi sans s'user soi-même, jusqu'à ce qu'il abandonne.