Voilà plus d'une décennie qu'Angela Belcher, professeure en bio-ingénierie au MIT, travaille sur un projet de batterie alimentée par des virus. Son choix s'est porté sur un agent particulier, le M13, un virus bactériophage en forme de cigare. Si d'autres font très bien l'affaire, ce dernier a l'avantage d'avoir un matériel génétique facile à manipuler.
Dans un premier temps, M13 est exposé au matériel sur lequel elle souhaite le voir intervenir, par exemple le phosphate de fer. S'ensuivent des mutations naturelles ou artificielles de son ADN lui permettant de s'accrocher au matériel en question. Ensuite, Belcher l'utilise pour infecter une bactérie, produisant ainsi des millions de copies identiques du phage.
Le procédé est répété jusqu'à ce que le virus affine son travail de constructeur de batterie. Un virus génétiquement modifié pour exprimer une protéine à sa surface, capable d'attirer des particules d'oxyde de cobalt, pourra ainsi créer un nanofil composé de virus reliés entre eux, que l'on pourra alors exploiter dans une électrode de batterie.
Une alternative écologique
Les électrodes créées grâce à cette technologie ont pu être implémentées dans plusieurs modèles de batteries. Si Belcher n'entend pas concurrencer les producteurs de batteries lithium-ion, son nouveau mode d'alimentation devrait permettre d'améliorer le taux de charge et de décharge des batteries, «l'un des Saint-Graal du stockage d'énergie», comme le rappelle à Wired Paul Braun, directeur du Materials Research Laboratory à l'Université d'Illinois.
Mais le plus grand atout de ces batteries à virus reste qu'elles sont bien plus écologiques que les batteries traditionnelles, dont la production requiert l'emploi de produits toxiques à très haute température.
Belcher a d'ores et déjà cofondé deux entreprises, Cambrios Technologies en 2004, producteur de composés électroniques pour écrans tactiles, et Siluria Technologies, qui convertit le dioxyde de carbone en éthylène, un gaz fréquemment employé dans l'industrie.
La production commerciale des batteries à virus est encore difficile à mettre en place, en raison notamment de la quantité de matière première nécessaire et du coût de tels procédés biologiques.
Roulerons-nous un jour aux virus plutôt qu'à l'électrique? La route semble encore longue, mais il y a un autre domaine dans lequel le recours aux batteries à virus –ou du moins à leur procédé de fabrication– pourrait plus rapidement se développer.
Au MIT, Angela Belcher planche ainsi désormais sur des nanoparticules capables de dépister les tumeurs trop petites pour être détectées par le corps médical. Vecteur de maladies, agent mortel, qui eut dit qu'un virus pourrait un jour sauver des vies?