De gauche à droite, Philippe Le Bouteiller (Directeur Développement), Camille Crouzet (Président) et Céline Bonnaud (Directrice Recherche et Innovation) inventent à Grenoble une partie de l'avenir de l'eau. | Hymag'in
De gauche à droite, Philippe Le Bouteiller (Directeur Développement), Camille Crouzet (Président) et Céline Bonnaud (Directrice Recherche et Innovation) inventent à Grenoble une partie de l'avenir de l'eau. | Hymag'in

Hymag'in transforme le fer en or vert

La start-up grenobloise récupère des déchets ferreux pour piéger les polluants dans l'eau.

Transformer un déchet en matériau à forte valeur ajoutée: c'est le tour de force de la start-up grenobloise Hymag'in, portée par Camille Crouzet. Le déchet, ce sont les sables et les poussières chargées en fer issus de la sidérurgie. La matériau, c'est la magnétite, un oxyde de fer cristallisé connu pour piéger les métaux lourds et les composants organiques (pesticides, résidus médicamenteux…) présents dans les sols et les eaux.

L'industrie sidérurgique produit chaque année une quantité phénoménale de déchets ferreux. «Chaque site sidérurgique français produit entre 100 et 10.000 tonnes de déchets par an, soit environ un million de tonnes à l'échelle de la France entière», témoigne Camille Crouzet.

Mais alors que les rebuts de grande taille sont en grande partie récupérés et valorisés par les ferrailleurs, les industriels ne disposent pas réellement de débouchés pour les poussières de petite taille. D'autant que le fer n'a pas une très grande valeur: autour de 100 euros la tonne, contre 13.000 et 16.000 euros la tonne pour le nickel. «Moins cher qu'un sac de pommes de terres», plaisante Camille Crouzet. Résultat: la poussière est stockée ou enfouie sur le site.

Un gaspillage auquel Hymag'in propose de remédier, en faisant de ces déchets un produit valorisable et très utile: la magnétite. «Lors de mon doctorat au sein du laboratoire ISTerre (CNRS/Université Grenoble Alpes), on m'a demandé de reproduire un procédé naturel qui se produit dans les fosses océaniques. À 2.000 mètres de profondeur, le minerai chargé en fer réagit avec l'eau pour former de la magnétite et de l'hydrogène», raconte l'ingénieur.

Les deux produits ouvrent de nombreux horizons: il trouve alors une méthode de fabrication industrielle, et dépose deux brevets avant de lancer sa start-up en 2019.

Avant... | Hymag'in

Eau ferrugineuse

La principale application de Hymag'in est la dépollution de l'eau. «La magnétite piège les métaux lourds, comme le plomb, l'arsenic ou le chrome, mais aussi les matières organiques, comme les résidus médicamenteux, les hydrocarbures ou les pesticides», décrit le fondateur.

La poudre peut être utilisée soit dans un filtre, soit injectée dans un réservoir. On peut ensuite la récupérer par aimantation grâce à ses propriétés magnétiques. La technique est également testée pour les nappes d'eau souterraine, où la magnétite va capter les polluants et les empêcher de se disperser d'une nappe à l'autre.

«Aujourd'hui, on a principalement recours au charbon actif. Notre solution présente l'avantage d'être neutre en carbone et peu coûteuse», met en avant l'ingénieur et entrepreneur. «C'est très important dans le domaine de traitement des eaux, où les clients cherchent à la fois un prix bas et un procédé écologique», sourit-il.

À côté de cette application principale, la start-up entrevoit une myriade de marchés de niche. «Nous avons identifié plus d'une vingtaine d'utilisations possibles de la magnétite», s'enthousiasme Camille Crouzet. La magnétite absorbe les ondes électromagnétiques radar, wifi ou micro-ondes et peut ainsi être intégrée à des peintures ou mousses absorbantes afin d'isoler des pièces ou des objets.

Elle peut aussi rendre un plastique magnétique, ou servir à récupérer des matières premières intégrées au matériau. La magnétite sert également de catalyseur dans certaines réactions chimiques, notamment dans le procédé Haber-Bosch pour la production d'ammoniac à partir d'azote.

La grande force de Hymag'in, c'est son procédé de fabrication, qui lui permet d'obtenir une poudre particulièrement fine. «Selon la gamme, elles mesurent entre 30 et 500 nanomètres. Or, la taille est primordiale dans les applications de dépollution: plus la poudre est fine, meilleure est la capacité d'absorption», résume Camille Crouzet.

«La qualité de notre produit est même meilleure que celle obtenue dans certains laboratoires de recherche», se félicite-t-il. La start-up propose ainsi toute une gamme de magnétites spécifiquement adaptées à chaque usage. «On va par exemple modifier la taille des particules pour qu'elles se mélangent plus facilement au plastique, ou encore ajouter du manganèse pour renforcer son pouvoir d'aimantation.»

...après. | Hymag'in

Partenaire particulier

Encore en phase de développement, la start-up compte aujourd'hui 7 employés et vise une usine de production pilote d'ici la fin de l'année. «Nous avons un objectif de production de 300 tonnes par an d'ici 3 ans et de 1.500 tonnes à horizon 5 ans. Mais ce n'est qu'un début: nous avons encore au moins 10 ans de développement devant nous», anticipe l'entrepreneur.

En 2019, Hymag'In a reçu le Grand Prix du concours d'innovation i-Lab organisé par le Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ce qui a fortement augmenté sa visibilité et lui a permis de bénéficier d'un financement de 400.000 euros.

«Aujourd'hui, nous sommes à la recherche de partenaires intéressés par nos applications, principalement des industriels cherchant des solutions écologiques pour leurs effluents chargés en polluants.» Sont notamment visées les usines chimiques, les sidérurgistes ou les cimenteries.

Hymag'in devrait aussi profiter de l'évolution de normes, de plus en plus strictes. «Aujourd'hui, on a des solutions pour éliminer la plus grande partie des polluants. Mais lorsqu'il ne reste plus que des traces, c'est très difficile», souligne Camille Crouzet.

Pour l'instant, Hymag'in n'a pas eu recours à des financements extérieurs. «Mais d'ici un an environ, nous allons devoir lever environ un million d'euros. Or, si l'État aide beaucoup à l'amorçage, c'est plus difficile du côté des investisseurs privés en France, qui sont très frileux lorsqu'on parle de sujets technologiques», remarque l'ingénieur.

«Dans leur esprit, écologie et technologie ne font pas forcément bon ménage.» Du coup, Hymag'in cherche aussi du côté de l'Allemagne, où la culture industrielle est plus ancrée dans les mentalités. «Mais bien sûr, on va rester implantés en France», rassure-t-il.

Cet article vous est proposé par korii et Veolia dans le cadre de Green Mirror, un événement éditorial écrit et audio pour voyager dans le temps, prendre conscience et réfléchir sur les enjeux qui nous attendent collectivement face au changement climatique. Comment agir dès maintenant face à l'urgence?

Découvrez les solutions déjà existantes ou prometteuses à travers notre série d'articles et de podcasts publiés sur notre site-événement.

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