En posant la première pierre de son futur complexe militaire, Recep Tayyip Erdoğan n'était pas peu fier. Portant le nom de «Crescent star» –en référence aux deux symboles du pays, le croissant de lune et l'étoile, qui figurent sur son drapeau, et à la forme que prendra le bâtiment–, ce gigantesque site de 12,6 millions de mètres carrés regroupera sous un même toit le ministère de la Défense, le chef d'état-major général ainsi que les quartiers généraux des forces terrestres, aériennes et navales.
L'édifice, déjà surnommé «le Pentagone turc», comprendra des immeubles de bureaux entourant une vaste zone en forme de croissant, et un bâtiment en forme d'étoile qui servira de hall d'entrée et d'exposition, détaille le Daily Sabah.
Il sera érigé à côté du nouveau siège de la National Intelligence Organization (MIT), les services secrets turcs, achevé en 2020 et surnommé «La Forteresse». Près de 890.000 mètres carrés de ce «Pentagone turc» seront dédiés à un espace intérieur dans lequel travailleront 15.000 personnes. À titre de comparaison, le Pentagone américain ne compte «que» 620.000 m² de surface couverte.
«Nous construisons ici une structure qui fera peur à nos ennemis et donnera confiance à nos amis», a proclamé le président turc à l'occasion de cette inauguration. «Des édifices monumentaux comme le complexe présidentiel et le projet Crescent Star représentent des symboles de notre nation et de leur pouvoir tout en servant notre objectif fondamental», a poursuivi Erdoğan.
Maître de la mise en scène, le chef d'État a négocié avec les entrepreneurs en direct à la télévision et a obtenu la promesse d'achever le complexe avant les élections présidentielles et législatives prévues en juin 2023.
Redorer le blason
Pour Erdoğan, l'annonce tient en réalité moins à «impressionner les ennemis» qu'à remonter sa côte de popularité, sérieusement écornée ces derniers temps en raison des inondations, des incendies et des vagues de réfugiés en provenance d'Afghanistan, estime le site Nikkei Asia.
Selon les dernières enquêtes, le taux d'approbation d'Erdoğan est tombé à 38% en août, son plus bas niveau depuis juin 2015. Pour inverser la tendance, la recette du président turc est toujours la même: construire toujours plus, toujours plus grand et toujours plus démesuré.
Ce dernier s'est lancé ces dernières années dans un myriade de mégaprojets, le dernier en date étant un gigantesque canal de 45 km reliant la mer Noire à la mer de Marmara. Le palais présidentiel, évoqué par Erdoğan, couvre lui près de 200.000 mètres carrés dans un style kitsch et aurait coûté plus de 350 millions de dollars.
Mais Erdoğan entend aussi démontrer sa puissance militaire et la montée en force de la Turquie dans l'échiquier mondial. La veille de l'inauguration, il participait à une cérémonie de remise d'une nouvelle génération de drones d'attaque construits par la société de défense locale Baykar capables de rivaliser avec les drones Reaper américains, et en août, la première frégate made in Turquie a été présentée, dont quatre seront délivrées au Pakistan d'ici 2025.
Il faudra sans doute encore plus de béton et plus de drones pour remonter dans les sondages.