Ça commence comme une vidéo TikTok ordinaire. On peut y voir un groupe de personnes prendre l'avion et déambuler dans un aéroport. La suite est moins attendue: à la faveur d'une ellipse, on aperçoit les gens en question dormir dans des camps, se déplacer à cheval et même escalader ce qui, dans la vidéo, est présenté comme «la fameuse frontière de la mort», qui sépare le Mexique des États-Unis.
«Nous sommes prêts à grimper et à courir comme des cerfs», commente en espagnol le héros de la vidéo, avant d'entreprendre l'ascension de la clôture qui sépare les deux pays. «Cours, mec, cours, sinon l'immigration va t'attraper», l'entendra-t-on commenter un peu plus tard.
Le TikTok en question, qui décrit donc par le menu la voyage d'un jeune homme et de quelques-uns de ses acolytes entre l'Équateur et les États-Unis, avait déjà été sauvegardé 10.000 fois et reçu plus de 170.000 likes à la date du 23 octobre, explique The Guardian. Plus de 2.500 commentaires ont également été publiés, principalement par des personnes demandant des renseignements plus détaillés sur les meilleures stratégies à adopter pour parvenir à passer de l'autre côté de la frontière.
Les vidéos de ce type se multiplient sur la plateforme. Mais si certaines sont bien l'œuvre d'individus souhaitant simplement partager ce voyage si singulier, d'autres sont en fait produites par des passeurs, qui utilisent le réseau social comme un moyen de promouvoir les services qu'ils proposent. Guatemala, Mexique, Équateur, Honduras: quel que soit le pays de départ, il y a une solution clé en main pour qui dispose du budget suffisant. En tout cas, c'est le message.
Modération défaillante
Chez TikTok, on dit tout faire pour lutter contre cette promotion ô combien dangereuse. Reste que le simple fait de taper «viajes» («voyages» en espagnol) dans la barre de recherche permet de voir apparaître des suggestions du type «voyages sûrs vers les USA» ou «voyages aux USA garantis».
La plupart des vidéos postées par les passeurs sont extrêmement simples: dépourvues de fioritures et de détails, elles ne sont là que pour inciter les personnes intéressées à les contacter par messagerie privée, ou par WhatsApp. Les services présentés ne sont évidemment jamais décrits comme illégaux.
Le Guardian, qui a mené une longue enquête sur le sujet, insiste sur le fait que la modération réalisée par TikTok n'est pas suffisante, ce dont les passeurs ont très bien conscience actuellement, multipliant les vidéos pour empêcher le réseau social de toutes les traiter.
Rendre attirants des voyages aussi risqués, appâter les personnes intéressées avant de leur soutirer des sommes d'argent importantes: leurs pratiques n'ont rien de nouveau, mais elles sont aujourd'hui renforcées par les réseaux sociaux lorsque ceux-ci échappent à leurs dirigeants.