Le président russe Vladimir Poutine, à Moscou, le 4 novembre 2022. | Mikhail Metzel / Sputnik / AFP
Le président russe Vladimir Poutine, à Moscou, le 4 novembre 2022. | Mikhail Metzel / Sputnik / AFP

L'Ukraine s'apprête-t-elle à frapper Moscou?

Croyez-le ou non, mais la question se pose. Sérieusement.

Samedi 14 janvier, le missile lancé par l'armée russe sur un bâtiment d'habitations à Dnipro, dans l'est de l'Ukraine, a fait au moins 30 morts et, logiquement, a choqué le monde entier. Ce n'était bien sûr pas une première. Comme en Syrie, la Russie s'est engagée depuis le début de la guerre dans une campagne de bombardements massifs (et de basse précision) de cibles civiles chez son voisin, en particulier de ses infrastructures énergétiques.

Les forces ukrainiennes affirment que le missile utilisé samedi était un Kh-22: un monstre dont la charge explosive pèse près d'une tonne, conçu pour atteindre des cibles maritimes et connu pour ses écarts qui, sur une zone civile densément peuplée, ne pardonnent pas, et n'ont pas pardonné.

D'aucun parlent donc de terrorisme d'État. Et une question commence à se poser: Kiev, qui dispose déjà de vieux drones soviétiques Tu-141 Strizh à longue allonge et qui a, ces derniers mois, multiplié les frappes en profondeur sur des cibles militaires en territoire russe, comme sur les bases aériennes d'Engels ou de Dyagilevo, est-elle en capacité de répliquer, de frapper jusqu'à Moscou?

Si elle relève plus de la fiction que d'autre chose, cette question est bien moins absurde qu'il n'y paraît. Le Pentagone regimbe à envoyer à l'Ukraine des armes à longue portée, à commencer par les Ground-Launched Small Diameter Bomb (GLSDB) ou les ATACMS qu'elle réclame à cor et à cri depuis de longs mois. La raison est assez précise: Washington craint que des frappes de Kiev trop au-delà de ses frontières ne provoquent une nouvelle escalade du conflit.

Une attaque sur Moscou semble de toute façon inimaginable sur le plan politique comme sur celui de la «grande stratégie». Bien que Kiev concentre ses frappes sur des cibles militaires, légitimes dans le cadre d'un tel conflit, et bien que ses alliés lui aient donné le feu vert pour dépasser sa frontière, elle risquerait de s'aliéner tout soutien occidental si elle venait à se frotter de trop près à la capitale russe.

Drone de Damoclès

Et pourtant. Ne pas pouvoir ne signifie pas ne pas en être capable, ou du moins ne pas en jouer. Le 4 janvier, le très malin patron du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Boudanov, expliquait à la chaîne américaine ABC, que Vladimir Poutine était mourant. Et, si le propos a été moins repris, il prévenait aussi que les attaques ukrainiennes sur le sol russe allaient se multiplier.

Au-delà des mots, il y a également le poids des images: quelques fins observateurs ont remarqué que Kyrylo Boudanov, dont le travail consiste notamment à faire avaler des couleuvres à son ennemi, avait de manière assez maline disposé dans son bureau, filmé par la chaîne américaine, un écran montrant une carte.

Cette carte n'était autre que celle de Moscou. Soit l'homme, qui savait bien que ces images allaient être décortiquées par le renseignement ennemi, a donc adopté le comportement d'un «troll» discrètement spectaculaire, soit il en a profité pour faire passer un message clair au Kremlin. Un message qui dirait: «Voici notre prochaine cible.»

Et d'ailleurs, Moscou semble s'inquiéter. Il y a quelques jours, son armée a notamment musclé de manière assez ostensible les défenses anti-aériennes autour de la capitale, y rapatriant des systèmes S-400.

En parallèle, le pays de Vladimir Poutine justifiait ses propres attaques sur l'Ukraine par le fait que son voisin continuait à constituer une menace existentielle pour sa sécurité, et qu'il préparerait une attaque sur Moscou.

Propagande évidente? Peut-être pas tant que ça. Car depuis quelques mois, l'Ukraine émet une petite musique que les experts entendent sans aucun doute. L'association d'entreprises ukrainienne Ukroboronprom travaille sur un drone-kamikaze doté, explique le Kyiv Independent, d'une portée théorique de 1.000 kilomètres et d'une charge de 75 kg. Soit largement plus que la distance qui sépare la frontière ukrainienne de Moscou.

Or, l'objet serait presque prêt et aurait passé les derniers tests, «dans les airs et dans des conditions de guerre électronique», affirmait la porte-parole de l'entreprise, Nataliia Sad, au journal ukrainien le 13 janvier, ajoutant qu'elle ne pouvait donner plus de détails étant donné le stade atteint par le projet.

D'autres observateurs notent que l'utilisation d'un Sokil-300, drone ukrainien que le bureau d'études Luch développe depuis quelques années, serait une option plus réaliste –car plus mûre sur le plan technique– si Kiev choisissait d'allonger la portée de ses frappes en territoire russe. Mais dans un cas comme dans l'autre, parvenir à en produire suffisamment pour menacer la capitale russe est sans doute une autre paire de manche.

L'épée de Damoclès au-dessus de Moscou, à ce stade, relève sans doute du fantasme ou de la volonté de mettre le Kremlin sur la défensive et d'allumer des contre-feux symboliques. L'armée ukrainienne nous a toutefois habitués à des coups spectaculaires quand les défenses anti-aériennes de l'ennemi russe multipliaient, elles, les trous dans la raquette. On peut donc s'attendre, dans les prochains mois, à ce qu'elle frappe de plus en plus près du cœur de son ennemi.

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