Dans le sud de l'Ukraine, à Kherson, comme à l'est, dans le Donbass, le brouillard de guerre limite les informations en provenance de fronts mouvants et toujours pris dans d'âpres combats.
Quelques histoires terribles, pourtant, finissent par filtrer, sans doute quelque peu déformées par les intérêts propagandistes des uns ou des autres, parfois des uns et des autres. Ainsi de celle de 155e brigade d'infanterie de marine russe et de son assaut suicidaire sur une position ukrainienne à Pavlivka, dans la région de Tchernihiv.
Comme le montre la vidéo visible ci-dessous, ladite position ukrainienne semblait, fin octobre, intenable: des soldats en bleu et jaune, dans leur tranchée, faisaient ainsi des adieux bouleversants au monde en vidéo avant leur «dernier combat».
Ukrainian warriors at a position near Yehorivka, near Pavlivka, Donetsk Oblast. Surrounded but not surrendered. Video is taken on 1 November, the commander later made a decision to retreat due to relentless pressure. pic.twitter.com/O671tbGI5O
— Dmitri (@wartranslated) November 4, 2022
Quelques jours plus tard cependant, il était raconté que ces hommes avaient pu être sauvés à temps. Il se disait, surtout, que le «dernier combat» n'avait pas été le leur, mais celui d'un nombre ahurissant d'hommes de la 155e brigade d'infanterie de marine russe, décrite sinon comme d'élite, du moins professionnelle et d'une excellente qualité militaire.
L'unité en question aurait ainsi perdu trois cents hommes en quatre jours seulement, ainsi qu'une bonne moitié de son matériel –des informations démenties par le Kremlin. Ce qui pouvait en partie expliquer les énormes chiffres annoncés par le commandement ukrainien à ce moment.
Eastern #Ukraine Update:#Russian milbloggers amplified reports that the Russian 155th Naval Infantry Brigade sustained severe losses during the recent offensive push towards #Pavlivka, #Donetsk Oblast. /1https://t.co/ldO2V9ZHAR pic.twitter.com/ayfnghmMpj
— ISW (@TheStudyofWar) November 7, 2022
Destinée à Oleg Kozhemyako, gouverneur du kraï de Primorié (extrême est russe), qui abrite la base de Vladivostok, une lettre qui aurait été écrite par ce qu'il reste de ces hommes envoyés au casse-pipe a filtré sur les réseaux sociaux et les canaux prorusses. Ces derniers, c'est à noter, sont parfois liés au groupe Wagner, qui peut trouver un intérêt dans le travail de sape de l'armée régulière du Kremlin et de ses chefs.
Massacre sur commande
Ce qu'elle décrit est terrible: appâtés par la gloire, les breloques et des primes financières, le général Muradov et son bras droit Akhmedov auraient décidé d'une attaque de front, sans aucune préparation ni logique, laissant les hommes s'empaler sur les mines et défenses ukrainiennes, s'enfoncer dans les lignes ennemies puis se faire tirer dessus de tous côtés, notamment par l'artillerie.
And here is the letter itself from the 155th Marine Brigade that is on everyone's lips today. The brigade was ordered to advance to Uhledar via Pavlivka. They mention 300 casualties (dead and wounded) in just 4 days, and these are marines. pic.twitter.com/25ivCkRJPI
— Dmitri (@wartranslated) November 6, 2022
More information continues to be made public about the failed Russian assault on Pavlivka.
— WarMonitor🇺🇦 (@WarMonitor3) November 7, 2022
It is now known that instead of attacking the village on the flanks Russian forces decided to attack fortified positions head on once entering the villages decided to not clear basements..
«Comment veulent-ils prendre un village en traversant des positions où les ennemis sont encore présents, des ennemis qui nous visent alors que nous évacuons nos blessés et que nous nous ravitaillons en munitions?», demandent ainsi les signataire de la fameuse lettre, notamment relayée par le journaliste d'État Alexander Sladkov, comme le rapporte Meduza.
«Ils n'ont que leurs intérêts en tête. Ils considèrent les gens comme de la viande», est-il aussi dit dans cette supplique, qui réclame une enquête sur l'attaque, ainsi que la tête de Muradov et d'Akhmedov. Quelques vidéos semblent corroborer la violence des combats pour ces troupes russes, dont certains blindés ont été envoyés à l'assaut dans des champs de mines, avec la fin que l'on imagine.
Video from Ukraine's 72nd Mechanized Brigade showing Russian T-72B3 and BMP-2 damaged or destroyed by artillery strikes, anti-tank mines, and possibly RPGs in the Pavlivka area. I cropped the video to avoid footage of bodies.https://t.co/vTjBRQbYNdhttps://t.co/A7VTT36qSE pic.twitter.com/QxgEnwgpSZ
— Rob Lee (@RALee85) November 7, 2022
It's now apparent the Battle of Pavlivka was devastating for the Russians, who sustained irrecoverable losses in personnel and equipment.
— Michael MacKay (@mhmck) November 7, 2022
This clip shows a Ukrainian 152mm shell striking a bunched up group from the 155th Marine Infantry Brigade (RU).https://t.co/3z0bGcl10y pic.twitter.com/pdwKFgdXlN
La 155e brigade d'infanterie de marine russe est une unité professionnelle. Si un tel atout est envoyé vers un massacre pareil, il n'est donc pas difficile d'imaginer avec quelle légèreté le commandement russe (ou le groupe Wagner) peut traiter des troupes moins aguerries, en particulier les récents conscrits.
D'autres récits similaires et édifiants émergent, à l'instar de celui raconté par le Guardian le 7 novembre. Près de Makiivka, dans la région de Lougansk, des mobilisés à peine débarqués au front auraient ainsi dû creuser des tranchées sous le feu ennemi, à peine armés voire pas armés du tout, et parfois équipés de leurs seules mains, selon certains récits.
D'après le soldat témoignant auprès du quotidien britannique, seuls 130 conscrits environ, sur les 570 déployés ce jour-là, auraient survécu. «Un drone ukrainien nous a survolés, puis leur artillerie a commencé à nous pilonner, pendant des heures, sans arrêt», explique-t-il. «J'ai vu des hommes déchiquetés devant moi, une grande partie de notre unité a été perdue, détruite. C'était l'enfer.»
Notamment du fait des guerres intestines autour du Kremlin et de Vladimir Poutine, ou des rapports de plus en plus critiques des blogueurs militaires russes, ce type de récits peut saper le moral général des troupes, voire mener à certaines actions proches de la mutinerie.
Ahurissante dans ce contexte, une autre vidéo, visible ci-dessous, a émergé sur les réseaux sociaux. Elle montre des soldats de Kazan, dans l'ouest de la Russie, s'en prendre directement à leur chef, accusé de soûlerie. Certains y voient déjà quelques relents de la révolution de février 1917, qui a mené à la chute de Nicolas II et de l'Empire russe. Nous n'en sommes pas là, mais les choses se compliquent encore pour le Kremlin.
Absolutely incredible scenes of mobilised soldiers from Kazan openly telling their commanding officer to fx#k off, shouting at him for arriving drunk, demanding to know why OMON security troops have arrived and finally calling him a fagot. Has a flavour of 1917 mutiny about it. pic.twitter.com/AT1OEBy8PI
— Boris Lozhkin (@notowarprotest) November 6, 2022
The situation in Russia starts moving slowly to what eventually happened in February 1917.
— Illia Ponomarenko 🇺🇦 (@IAPonomarenko) September 22, 2022
Masses of barely controllable angry mobilized troops in the capital city, endless breadlines, resentment, a dire situation on the front line, widespread resentment, and then…