Dans leurs tranchées, les Ukrainiens attendaient. | Sergey Bobok / AFP
Dans leurs tranchées, les Ukrainiens attendaient. | Sergey Bobok / AFP

Comment l'élite des marines russes a été envoyée au massacre à Pavlivka

Les prémices d'une mutinerie générale?

Dans le sud de l'Ukraine, à Kherson, comme à l'est, dans le Donbass, le brouillard de guerre limite les informations en provenance de fronts mouvants et toujours pris dans d'âpres combats.

Quelques histoires terribles, pourtant, finissent par filtrer, sans doute quelque peu déformées par les intérêts propagandistes des uns ou des autres, parfois des uns et des autres. Ainsi de celle de 155e brigade d'infanterie de marine russe et de son assaut suicidaire sur une position ukrainienne à Pavlivka, dans la région de Tchernihiv.

Comme le montre la vidéo visible ci-dessous, ladite position ukrainienne semblait, fin octobre, intenable: des soldats en bleu et jaune, dans leur tranchée, faisaient ainsi des adieux bouleversants au monde en vidéo avant leur «dernier combat».

Quelques jours plus tard cependant, il était raconté que ces hommes avaient pu être sauvés à temps. Il se disait, surtout, que le «dernier combat» n'avait pas été le leur, mais celui d'un nombre ahurissant d'hommes de la 155e brigade d'infanterie de marine russe, décrite sinon comme d'élite, du moins professionnelle et d'une excellente qualité militaire.

L'unité en question aurait ainsi perdu trois cents hommes en quatre jours seulement, ainsi qu'une bonne moitié de son matériel –des informations démenties par le Kremlin. Ce qui pouvait en partie expliquer les énormes chiffres annoncés par le commandement ukrainien à ce moment.

Destinée à Oleg Kozhemyako, gouverneur du kraï de Primorié (extrême est russe), qui abrite la base de Vladivostok, une lettre qui aurait été écrite par ce qu'il reste de ces hommes envoyés au casse-pipe a filtré sur les réseaux sociaux et les canaux prorusses. Ces derniers, c'est à noter, sont parfois liés au groupe Wagner, qui peut trouver un intérêt dans le travail de sape de l'armée régulière du Kremlin et de ses chefs.

Massacre sur commande

Ce qu'elle décrit est terrible: appâtés par la gloire, les breloques et des primes financières, le général Muradov et son bras droit Akhmedov auraient décidé d'une attaque de front, sans aucune préparation ni logique, laissant les hommes s'empaler sur les mines et défenses ukrainiennes, s'enfoncer dans les lignes ennemies puis se faire tirer dessus de tous côtés, notamment par l'artillerie.

«Comment veulent-ils prendre un village en traversant des positions où les ennemis sont encore présents, des ennemis qui nous visent alors que nous évacuons nos blessés et que nous nous ravitaillons en munitions?», demandent ainsi les signataire de la fameuse lettre, notamment relayée par le journaliste d'État Alexander Sladkov, comme le rapporte Meduza.

«Ils n'ont que leurs intérêts en tête. Ils considèrent les gens comme de la viande», est-il aussi dit dans cette supplique, qui réclame une enquête sur l'attaque, ainsi que la tête de Muradov et d'Akhmedov. Quelques vidéos semblent corroborer la violence des combats pour ces troupes russes, dont certains blindés ont été envoyés à l'assaut dans des champs de mines, avec la fin que l'on imagine.

La 155e brigade d'infanterie de marine russe est une unité professionnelle. Si un tel atout est envoyé vers un massacre pareil, il n'est donc pas difficile d'imaginer avec quelle légèreté le commandement russe (ou le groupe Wagner) peut traiter des troupes moins aguerries, en particulier les récents conscrits.

D'autres récits similaires et édifiants émergent, à l'instar de celui raconté par le Guardian le 7 novembre. Près de Makiivka, dans la région de Lougansk, des mobilisés à peine débarqués au front auraient ainsi dû creuser des tranchées sous le feu ennemi, à peine armés voire pas armés du tout, et parfois équipés de leurs seules mains, selon certains récits.

D'après le soldat témoignant auprès du quotidien britannique, seuls 130 conscrits environ, sur les 570 déployés ce jour-là, auraient survécu. «Un drone ukrainien nous a survolés, puis leur artillerie a commencé à nous pilonner, pendant des heures, sans arrêt», explique-t-il. «J'ai vu des hommes déchiquetés devant moi, une grande partie de notre unité a été perdue, détruite. C'était l'enfer.»

Notamment du fait des guerres intestines autour du Kremlin et de Vladimir Poutine, ou des rapports de plus en plus critiques des blogueurs militaires russes, ce type de récits peut saper le moral général des troupes, voire mener à certaines actions proches de la mutinerie.

Ahurissante dans ce contexte, une autre vidéo, visible ci-dessous, a émergé sur les réseaux sociaux. Elle montre des soldats de Kazan, dans l'ouest de la Russie, s'en prendre directement à leur chef, accusé de soûlerie. Certains y voient déjà quelques relents de la révolution de février 1917, qui a mené à la chute de Nicolas II et de l'Empire russe. Nous n'en sommes pas là, mais les choses se compliquent encore pour le Kremlin.

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