Depuis le premier jour de l'invasion russe en Ukraine, les images se suivent et se ressemblent. Partout dans le pays, les T-72 et ses dérivés tombent sous les coups explosifs des armes anti-chars ukrainiennes –plus de 300 d'entre eux auraient ainsi été purement et simplement détruits.
Et partout dans le pays reposent, à quelques mètres ou dizaines de mètres du corps inerte de l'engin, leurs tourelles brûlées, ravagées et démembrées, signe d'une explosion interne du char –et de la pulvérisation certaine et instantanée de ses trois occupants.
A new achievement from Roscosmos space agency, the flying T-72 turret. Engineers predict with enough development it could reach the moon. #Ukraine pic.twitter.com/PEdmEZaTyY
— Global Conflicts (@Globe_conflicts) March 24, 2022
Le Washington Post a tenté une petite explication du phénomène touchant ces chars de conception soviétique, qui coûte la vie à tant de soldats russes, qui tentent par mille bricolages inutiles, dont la fameuse cope cage, de corriger le défaut. Tout repose sur un défaut de conception évident, qui lui-même résulte d'une philosophie militaire très différente de celle des armées et constructeurs des pays occidentaux.
Le T-72 et ses cousins ont été conçus pour être rapides à construire comme à manœuvrer, à armer et à tirer. Ils sont donc dotés de blindages relativement plus légers que leurs équivalents à l'Ouest, ainsi que d'un équipage de trois soldats, contre quatre par exemple pour le M1 Abrams américain.
Talon d'Achille
L'économie d'un occupant se fait notamment au prix d'un mode de chargement automatique des projectiles –ce qui est également le cas dans un char Leclerc de conception française, à trois occupants, mais qui pourtant ne présente pas ce défaut.
Car surtout, et c'est ici que le bât blesse voire qu'il tue, les T-72 et ses dérivés placent lesdites munitions «en collier» au sein même de la tourelle, et derrière un blindage plutôt minimal. Bref, un coup et c'est la mort. Les Ukrainiens, dotés des mêmes chars aux mêmes défauts et massivement équipés de Javelin visant spécifiquement les tourelles, savent évidemment exactement où viser.
— Yuriel (@yulikao19871021) April 4, 2022
«Pour un équipage russe, si le compartiment de stockage de munitions est touché, tout le monde meurt», explique ainsi Robert E. Hamilton, professeur à l'U.S. Army War College. «Tous ces obus, environ quarante selon que le char soit pleinement chargé ou non, vont se mettre à “cuire” et tout le monde va mourir», ajoute-t-il, parlant d'une vaporisation immédiate pour les malheureux occupants de l'engin.
T-72 Autoloader Places Ammo under the Crew Compartment under the Turret: In the case of RPG or ATGM HEAT Warhead Penetration, it can cause Catastrophic explosion seen in many destroyed Russian T-72s in Recent Years. pic.twitter.com/ZvmAMKh4hE
«Les chars américains privilégient depuis longtemps la survivabilité de l'équipage, à l'inverse de leurs équivalents russes, poursuit Hamilton. C'est vraiment une différence de design dans le compartiment de stockage des munitions, et une différence de priorité.» Des réflexions que partage Mark Hertling, général à la retraite et ancien commandant des troupes américaines en Europe, dans un long fil publié sur Twitter.
Design flaws in the Russian T72 (and other RU tanks) are indicative of how little Russia cares for their soldiers.
— Mark Hertling (@MarkHertling) May 2, 2022
But it is just one OF MANY indicators. It speaks to how little RU thinks of those who man their force to defend their motherland.
What am I talking about? 2/
Hamilton explique que dans la plupart des chars occidentaux, les munitions sont contenues dans un compartiment au blindage et aux accès conçus pour qu'une éventuelle explosion ne tue pas instantanément l'intégralité des occupants à l'intérieur de l'engin, mais de façon à ce que son souffle soit au maximum projeté vers l'extérieur.
Pour l'armée américaine comme pour certaines de ses alliées, «si le char est détruit et que ses occupants survivent, on peut fabriquer un nouvel engin plus rapidement qu'on ne peut entraîner un nouvel équipage».
Mais pour la Russie, poursuit-il, «les soldats sont aussi dispensables que les machines. Les Russes le savent depuis trente-et-un ans –il faut croire qu'ils ont simplement décidé de faire avec.» Apparemment, les Ukrainiens aussi.