Le feu, de loin. | Fadel Senna / AFP
Le feu, de loin. | Fadel Senna / AFP

Les lanceurs de roquettes longue portée américains peuvent-ils sauver le Donbass?

Oui et non: cela dépendra des munitions livrées.

Bien que rien ne soit joué dans le Donbass, où la Russie concentre désormais l'intégralité de sa force de frappe, la situation y est extrêmement difficile pour les forces ukrainiennes.

Si elles ont annoncé le début d'une contre-attaque dans le sud du pays, elle font face à l'est aux percées modestes mais régulières des troupes de Moscou et tentent d'échapper, à Sievierodonetsk, à un encerclement qui constituerait une défaite stratégique majeure.

C'est dans ce contexte que le président Zelensky, lors d'une rare sortie hors de Kiev, a annoncé «s'attendre à de bonnes nouvelles» quant à la livraison par l'Occident de nouvelles armes destinées à affronter l'ogre russe et à renverser une tendance plutôt sombre dans le Donbass.

Ces bonnes nouvelles pourraient être, comme l'avait annoncé CNN le 27 mai, l'arrivée prochaine dans les rangs ukrainiens de lanceurs américains de roquettes à longue portée, nommés Multiple Launch Rocket Systems (MLRS).

Comme l'explique le Washington Post, le transfert de ces armes est en discussion dans la capitale des États-Unis depuis quelques semaines. Certains, dans l'entourage immédiat de Joe Biden, craignent ainsi que la portée effective de ces MLRS permette à Kiev de frapper des cibles directement sur le territoire russe.

Si le flux d'armes –parfois puissantes– entre l'Ouest et l'Ukraine ne cesse pas, cette livraison de lanceurs de roquettes à longue portée constituerait une escalade inédite, une «étape majeure vers une escalade inacceptable» et le lancement d'une «guerre totale», a condamné Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères.

Cette réaction épidermique des autorités russes est-elle le signe que les MLRS en question sont capables d'aider l'Ukraine a renverser le cours des choses dans le Donbass et repousser les assauts russes? C'est ce que subodorent certains médias occidentaux. D'autres en revanche sont plus nuancés, comme The War Zone.

Peut-être, peut-être pas

Une grande partie de l'avantage que l'Ukraine pourrait tirer de ces systèmes d'arme réside dans leur portée, bien plus importante que celle des pièces d'artillerie dont elle dispose actuellement et dont l'abreuvent sans discontinuer les pays occidentaux, ou dans une plus grande précision que les systèmes post-soviétiques qu'elle utilise déjà.

Les roquettes «classiques» que peuvent tirer les M142 High Mobility Artillery Rocket Systems (HIMARS) ou les plus massifs M270, des M30 ou M31 de 227 mm, disposent ainsi selon le Washington Post d'une portée de 70 kilomètres contre une quarantaine pour le canon autoporté Caesar français, par exemple.

De quoi, expliquent les autorités ukrainiennes, frapper plus profondément dans les lignes russes, désorganiser les pièces d'artillerie qu'elle amasse loin du feu et obérer sa capacité à manœuvrer autour des troupes ukrainiennes.

Les M142 comme les M270 sont, surtout, capable de tirer des Army Tactical Missile Systems (ATACMS). Ces mini-missiles balistiques d'une portée de 300 kilomètres ou plus seraient un avantage tout à fait inédit pour l'Ukraine, qui trouverait sans doute à en faire bon usage contre des cibles lointaines et d'intérêt stratégique.

Mais comme le note The War Zone, si ces M142 et M270 apporteraient de clairs bénéfices militaires aux forces ukrainiennes, il est fort possible que la plénitude de leurs capacités ne puisse être utilisée, du moins dans un premier temps.

Le site américain indique par exemple que les systèmes pourraient être livrés sans certains de leurs appendices technologiques les plus précieux, comme l'ont été quelques M177, de peur qu'ils ne tombent entre des mains russes sans doute ravies de pouvoir les décortiquer puis les examiner sous toutes les coutures.

En outre, une grande partie de l'équation ne se joue pas sur les lanceurs, mais sur les munitions fournies. Parce qu'elles sont particulièrement coûteuses et sensibles sur le plan du renseignement technologique, celles-ci pourraient, dans un premier temps du moins, ne pas être livrées en grand nombre. Ces premières roquettes envoyées par les États-Unis pourraient elles aussi manquer de certaines de leurs caractéristiques les plus cruciales –le guidage de précision, par exemple.

The War Zone note à ce propos que les seules munitions non guidées disponibles pour les M142 et les M270 sont des roquettes à sous-munitions nommées M77 ou M85. Elles ont souvent été critiquées pour leur efficacité contestable et, surtout, poseraient un problème politique évident, Russie comme Ukraine étant toutes deux critiquées pour l'utilisation de ces «cluster munitions» désastreuses pour les populations civiles.

Il semble donc peu probable que les lanceurs de roquettes à longue portée ne fassent instantanément, sur le champ de bataille, les miracles que certains attendent d'eux. Insérés dans un ensemble de matériels aux compétences diverses, ils constitueront néanmoins un atout supplémentaire pour les Ukrainiens qui pourraient, avec le temps et des munitions de plus en plus avancées, prendre une avance cruciale dans un conflit amené à durer.

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