Il est clair depuis le début de la contre-offensive ukrainienne, pour ne pas dire depuis que la guerre est la guerre, que la portée des canons et lance-missiles qui lui sont fournis par ses alliés lui donnent un avantage certain sur l'envahisseur russe.
De nouveaux projectiles, nommés «Ground-Launched Small Diameter Bomb» (GLSDB, soit des bombes de petit diamètre lancées au sol), dotés d'une portée de 150 kilomètres, pourraient encore doubler son allonge: le Pentagone, Boeing et Saab songent très fortement à en fournir à Kiev, selon les informations de Reuters ou, entre les lignes, celles d'un article de Janes publié le 1er novembre.
SAAB- Boeing developed GLSDB might be an interesting option for Ukraine.
— Def Mon (@DefMon3) November 22, 2022
“We are imminently, shortly expecting contracts on that” Saab president and CEO Micael Johansson told analysts on 28 October.
Source: https://t.co/fgGLPSSo18 pic.twitter.com/Bf53mjAQE0
Pour schématiser: plus les armes sont capables de tirer loin, plus Kiev peut viser en profondeur derrière les lignes ennemies et frapper là où ça fait mal –et donc désorganiser des forces déjà en grandes difficultés logistiques depuis le début de la guerre.
Avec des missiles (ou des drones) à longue détente, elle peut détruire des bases ou aérodromes ennemis, des nœuds logistiques précieux pour l'organisation russe, viser les QG et les gradés d'en face, ou d'autres cibles de grande importante –des spécialistes iraniens venus aider avec leurs drones ont ainsi récemment été tués dans un bombardement en Crimée.
Pour ne parler que des engins au sol, les désormais fameux M270 et M142 Himars (pour «High Mobility Artillery Rocket Systems») sont, pour l'instant, ceux qui ont eu le plus d'impact en matière de distance. Deux types de munitions, capables d'une portée confortable de 70 kilomètres, ont jusque là été fournies par les États-Unis ou leurs camarades: de quoi, déjà, faire mal en tapant fort et de loin.
Les Himars sont capables de tirer d'autres projectiles à beaucoup plus longue portée, nommés ATACMS («Army Tactical Missile System»). Avec une allonge de 300 kilomètres, ils mettraient nombre de cibles lointaines à portée des forces ukrainiennes. Le Pentagone s'est néanmoins jusqu'ici refusé à en fournir à Kiev, de peur de trop froisser le Kremlin.
À mi-chemin
Une solution intermédiaire, conçue par Boeing et le suédois Saab, se présente toutefois aux décideurs occidentaux: ces «Ground-Launched Small Diameter Bombs», dont la portée est de 150 kilomètres et qui présentent l'immense avantage d'être composés d'éléments déjà très abondants dans l'arsenal américain.
Comme le décrit The War Zone, le produit proposé par Boeing et Saab, et que ses deux concepteurs expliquent pouvoir livrer à Kiev dès les premiers mois de 2023, est une sorte d'assemblage de deux éléments: une bombe de petit diamètre GBU-39B à guidage GPS de 113 kilos, très classique, habituellement lancée depuis les cieux mais ici dotée de petites ailes lui permettant de voler jusqu'à sa cible; et le moteur de la roquette M26, que peuvent lancer les Himars.
Le fait que les deux éléments composant les GLSDB soient abondants –le retrait des États-Unis d'Afghanistan les ont par exemple laissés avec un stock important de GBU-39B– est des plus importants. Comme partout en Occident, la filière industrielle américaine commence à lutter pour fournir des armes et leurs munitions, d'autant que celles déjà envoyées doivent être constamment réparées.
Comme l'explique Reuters, Lockheed redouble par exemple d'efforts pour doubler sa production annuelle de M270 et M142 Himars, rendus très populaire dans les armées de l'OTAN grâce à leur efficacité en Ukraine: la Pologne souhaiterait ainsi en commander 500, quand son producteur investit lourdement pour doubler sa production à 96 par an.
Si rien n'est encore tout à fait prêt, la solution proposée par Boeing et Saab et fortement envisagée par le Pentagone semble donc parfaite alors que l'hiver fige quelque peu les lignes de front. La GLSDB est une arme a priori efficace, qui donnerait un avantage réel à l'Ukraine sur le terrain, mais sans avoir la capacité d'ATACMS qui restent encore hors de l'équation. Kiev pourrait alors harceler la logistique russe à distance et reprendre sa contre-offensive quand les temps seront plus cléments.