Si certains annoncent que la grande offensive russe hivernale a déjà commencé, si d'autres expliquent que la saison des températures négatives, pour une fois, ne sera pas favorable sur le plan militaire à Moscou, il est une certitude: en ciblant systématiquement les infrastructures énergétiques de l'Ukraine, le président russe Vladimir Poutine, ses généraux et ses troupes souhaitent militariser le froid et mettre le pays à genoux.
Cette stratégie repose grandement sur les missiles de croisière de fabrication russe, dont les stocks ne sont semble-t-il pas encore épuisés mais pourraient être au plus bas, ainsi que sur des réserves plus extensibles de drones low-cost achetés (voire troqués) par Moscou à Téhéran.
Les plus utilisés de ces aéronefs iraniens sont les Shahed-131 et Shahed-136, des appareils qu'il est facile d'envoyer en grand nombre sur des cibles civiles et militaires ukrainiennes, mais dont la destruction par les défenses anti-aériennes des forces de Kiev, y compris des unités mobiles de volontaires, peut s'avérer très coûteuse.
Ces petits appareils rustiques et à bruit de mobylette sont d'autant plus dispendieux pour l'Ukraine que les explosifs dont sont dotés les Shahed-131 semblent avoir été modifiés dans le but précis de causer le plus de dégâts possibles aux infrastructures électriques du pays, ainsi que l'explique CNN, se basant sur des analyses menées par l'ONG Conflict Armament Research (CAR).
In January 2023, a CAR field investigation team documented the warhead of an Iranian Shahed-131 single-use UAV. This is the first time that analysis of these warheads has been released in the public domain. https://t.co/oWwC5xGHb1 🧵 [1/8] pic.twitter.com/bPUDvmUs3c
— CAR (@conflictarm) February 9, 2023
Dispersion massive
Les chercheurs du CAR ont pu mettre la main sur les restes de l'un des Shahed-131 abattus par les défenses anti-aériennes ukrainiennes, avant qu'il n'explose sur sa cible. Selon eux, les têtes explosives des drones kamikazes ont été modifiées à la hâte par ses constructeurs iraniens: une couche de petites pièces de métal auraient notamment été collées sur les charges.
L'objectif est de projeter des centaines de ces petits fragments en un effet de zone ravageur pour les installations techniques, notamment électriques: détruire par exemple en un souffle des transformateurs, des câbles et des appareils complexes, et leur infliger des dégâts si importants que leur réparation est rendue extrêmement délicate.
«C'est comme s'ils avaient regardé l'ogive et s'étaient demandés: “Comment pouvons-nous rendre tout ça encore plus destructeur?”», explique à CNN Damien Spleeters, l'un des membres de Conflict Armament Research ayant examiné la chose.
These matrixes appear to be a later addition, with poor fit and finish, alignment, and overall quality compared to the warhead itself. [6/8] https://t.co/oWwC5xGHb1 pic.twitter.com/oLaMWwWsNm
— CAR (@conflictarm) February 9, 2023
D'autres charges explosives ont des propriétés différentes: elles peuvent par exemple être conçues spécifiquement pour pénétrer de manière plus frontale le blindage métallique d'un char.
Dans le cas de ces Shahed-131, dont il a récemment été découvert qu'ils étaient bourrés d'électronique d'origine occidentale malgré les sanctions, l'usage est spécifiquement pensé pour causer un maximum de dégâts aux infrastructures critiques du pays –et faire souffrir sa population. Malgré des coupures d'électricité régulières et particulièrement handicapantes en plein hiver, le pays tient pourtant encore bon.