La guerre russe en Ukraine et les tracteurs, une histoire qui dure. Depuis le début du conflit se multiplient les images d'agriculteurs ukrainiens tractant de très (très) coûteux blindés abandonnés par l'envahisseur.
Au point de devenir l'un des mèmes les plus populaires du moment, et de faire dire à certains analystes que les forces armées de Kiev disposent de plus de chars qu'avant que la guerre ne commence, et à quelques plaisantins que les fermiers ukrainiens sont désormais, à eux seuls et en nombre, l'une des armées les mieux dotées en blindés du monde, devant la France ou la Grande-Bretagne notamment.
Il fallait bien que le schéma se renverse quelque peu, en particulier dans un conflit où la Russie est accusée de viser des civils, mais aussi toute l'infrastructure industrielle de l'Ukraine ou, pire encore dans une période hautement périlleuse pour la nourriture du monde entier, sa chaîne de production alimentaire et ses stocks de céréales.
Un article du site spécialisé Latifundist, pointé par un tweet d'Elena Faige Neroba, business development manager pour la firme Maxigrain, explique ainsi que des machines John Deere, pour une valeur de 1 million d'euros, ont été subtilisées dans une concession de l'entreprise Agrotek à Melitopol.
Russian invaders stole John Deere agricultural machinery from Agrotek's dealer in Melitopol.
— Elena Faige Neroba (@ElenaNeroba) March 31, 2022
"equipment is in Chechnya,near Grozny. Thanks to JDlink systems installed on equipment,Agrotek's specialists recorded that equipment is currently located on farm in village of Zakan-Yurt”
Agrotek explique ainsi que les forces occupantes russes ont subtilisé à l'entreprise «2 nouvelles moissonneuses-batteuses S770 et S760, un tracteur M6195 et un semoir Vaderstad Tempo». C'est ce que l'on appelle se servir sur la bête, ce que des soldats russes, à un tout autre niveau et pour d'autres raisons, sont parfois poussés à faire par la faim qui les tenaille, leur propre hiérarchie étant incapable de subvenir à leurs besoins les plus basiques.
John Deerovtsys
En l'occurrence, ces machines volées au cœur du «grenier de l'Europe» ne l'ont sans doute pas été par l'armée russe mais des militaires de son allié tchétchène. Car elles ont déjà trouvé preneur, bien loin de Melitopol: grâce à un système de géolocalisation intégré aux matériels John Deere, Agrotek a pu juger que ses machines avaient déjà été transférées en Tchétchénie.
«L'équipement a déjà été exporté en Tchétchénie, près de la ville de Grozny, explique le communiqué repris par Latifundist, et en l'occurrence traduit grâce à l'aide de Google. Grâce aux systèmes de positionnement installés sur l'équipement, les spécialistes d'Agrotek ont enregistré que l'équipement se trouve actuellement sur la ferme du village de Zakan-Yourt, en République tchétchène de Russie.»
Pour les «Kadyrovtsys», les redoutables troupes du chef de la République tchétchène Ramzan Kadyrov engagées auprès des armées russes, ces machines volées à Melitopol sont donc un appréciable bonus à une maigre solde de mercenaire.
Elles sont surtout une prise de guerre sans vergogne, volée à un pays dont la production agricole abreuve une partie du monde. Celui-ci pourrait, du fait de la guerre, de ses disruptions dans le calendrier agricole et à cause de ce type de rapine, qui n'est probablement pas unique, être plongé dans l'une des pires et plus bouleversantes pénuries des dernières décennies.