La mort en deux-trois mouvements. | Staff Sgt. Ricardo Hernandez-Arocho via Wikimedia Commons
La mort en deux-trois mouvements. | Staff Sgt. Ricardo Hernandez-Arocho via Wikimedia Commons

Les Himars, ou l'artillerie pour les nuls

Pas une Gameboy, mais presque.

Nous en avons parlé à de multiples reprises: parmi les facteurs ayant permis, ces dernières semaines, aux armées ukrainiennes de reprendre l'initiative dans leur guerre contre l'occupant russe, les Himars (pour «High Mobility Artillery Rocket Systems») américains tiennent une place centrale.

Lance-missiles à l'allonge appréciable et à la précision chirurgicale, ces machines, rapides à mettre en branle, à faire tirer puis à déplacer de nouveau, sont instantanément devenues la hantise des armées russes.

Quelques jours seulement après leur mise en service sur le front, des dépôts de munitions, nœuds logistiques ou encore centres de commandement russes commençaient à partir en fumée.

De quoi faire voir rouge et broyer du noir au ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, qui fit des Himars des cibles prioritaires officielles –du moins les vrais, pas les lance-missiles en bois utilisés en guise de leurres par l'Ukraine.

Mais comment une arme aussi moderne et sophistiquée, mise entre les mains d'artilleurs habitués aux systèmes soviétiques et n'ayant reçu qu'une formation minimale et super accélérée pour opérer la chose, a-t-elle pu si rapidement être efficacement adoptée par les armées ukrainiennes?

Tout est une question d'interface, explique Fast Company dans un passionnant article consacré à la question. Professeur au Naval War College, lieutenant-colonel du Corps des Marines des États-Unis ayant lui-même tâté de l'Himars en Irak, en Syrie et en Afghanistan, Jon O'Gorman résume la chose d'une phrase cinglante: «Les Himars, c'est l'artillerie pour les nuls.»

Selon lui, n'importe quel soldat déjà vaguement versé dans l'art de lancer des projectiles sur des cibles distantes peut, en quelques jours voire en quelques heures, apprendre à utiliser l'interface permettant aux Himars de pointer leurs missiles puis de les lancer, avec leur implacable précision.

Le fil vert sur le bouton vert

Fast Company rappelle le fonctionnement complexe d'une majorité des pièces d'artillerie les plus classiques –y compris les précieuses pièces à longue portée et projectiles intelligents, tels les formidables M982 Excalibur, fournis ces derniers mois par les États-Unis et leurs alliés à l'Ukraine.

Bien que les plus modernes d'entre elles soient aussi dotées de systèmes permettant d'aider l'artilleur dans sa tâche, la base reste identique. À savoir: une fois la cible au sol désignée et sa position connue, la trajectoire de l'obus doit être soigneusement calculée selon des règles balistiques complexes, la mire de l'engin doit être réglée par un tas de boutons, roues et bitoniaux hydrauliques. Un premier tir est effectué, il tombe généralement à côté, une correction de la trajectoire est faite, puis un deuxième obus peut être tiré, etc.

Le Himars n'est toutefois bien évidemment pas une Gameboy que l'on manipule les yeux fermés: son manuel officiel est bien celui d'une arme de très haute technologie, d'apparence complexe et que l'on ne confierait, de préférence, pas à un enfant de 7 ans.

Pourtant, comme l'indique Fast Company, il n'a fallu que quelques jours aux soldats ukrainiens pour apprendre à maîtriser l'interface de la chose et ses multiples boutons aux propriétés exotiques, quand la formation officielle des militaires américains peut durer des semaines.

«Le laps de temps entre l'arrivée des Himars sur le terrain et leurs premières destructions a été court. Selon le Pentagone, ils ont atteint des centaines de cibles dès leurs premiers jours d'utilisation», affirme Jon O'Gorman. Cela coïncide avec sa propre expérience en Syrie: son supérieur lui a rapidement montré le fonctionnement de base de l'engin, et il a assez simplement pu apprendre le reste sur le tas.

Contrairement à un canon classique, il n'y a ici aucune trajectoire balistique à calculer, à corriger selon le vent, la température ambiante et des conditions spécifiques. La cible est «marquée» par ses coordonnées GPS, quelques boutons sont impliqués et l'ordinateur du Himars fait le reste pour lancer un missile qui se guide ensuite lui-même vers sa funeste destination.

Dans certains cas, explique Jon O'Gorman, l'opérateur du Himars n'a même pas à entrer les coordonnées GPS de la chose à démolir: des militaires en reconnaissance, des drones ou des aéronefs et leurs pilotes humains se chargent de les envoyer à l'engin, qui n'a plus qu'à vérifier que tout est allumé et qu'il est tourné dans la bonne direction, puis à faire feu.

Cette simplicité d'utilisation n'est pas le fruit du hasard. Comme pour un logiciel grand public, le travail sur l'interface effectué par les constructeurs d'armements modernes (ici Lockheed Martin), conjointement avec les armées qui les leur commandent, est un processus long et réfléchi. De nombreux tests sont réalisés en amont pour rendre la chose la plus efficace possible dans le feu de l'action et les interfaces peuvent évoluer au fil du temps.

L'interface du Himars ne ressemble pas à celle d'un iPad avec ses quelques icônes à tapoter du doigt, mais bien à celle d'un appareil militaire. «Elle a une apparence quelque peu déplaisante, avec de nombreux boutons pour naviguer dans les menus», décrit à Fast Company Ken Shirriff, spécialiste de l'histoire informatique.

Cette austérité n'a pas empêché les militaires ukrainiens, déjà versés dans l'art de l'artillerie, de vite comprendre sur quoi appuyer –finalement pas grand-chose– pour que leurs Himars se mettent à provoquer la panique du côté russe.

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