Pas de paix sans retrait des troupes russes de l'ensemble des territoires occupés, y compris la Crimée, annexée par Moscou en 2014 après un référendum contesté: voilà ce que répètent les autorités ukrainiennes depuis des mois.
De leur côté, les alliés de Kiev semblent parfois balancer entre soutien franc, entier et pratique et doutes plus visibles quant à la faisabilité d'une reprise de la péninsule. La chose n'a en effet rien d'aisé: face à leurs menaçants ennemis, les Russes y ont bâti d'immenses réseaux de fortifications et commencent à le faire sur des plages.
Alors que circulent, sur les réseaux sociaux, les images, impressionnantes à dessein, de larges rassemblements de troupes ukrainiennes prêtes à aller en découdre lors d'une contre-offensive annoncée depuis des mois, Kiev laisse toutefois entendre qu'elle pourrait, dans son herculéenne tâche, faire usage de nouveaux types d'armes.
🇺🇦Another video has surfaced online showing the training of a huge group of Ukrainian soldiers ready to launch an offensive against the Russian occupier! offensive getting closer and closer!💪#Ukraine #UkrainianArmy #UkraineWillWin #Ukrainian #RussiaIsCollapsing #RussiaIsLosing pic.twitter.com/JruQ0KIQgO
— Intermarium 24 (@intermarium24) April 15, 2023
Крим – територія України, і ми будемо випробувати й використовувати там будь-яке не заборонене міжнародними законами озброєння, яке допоможе звільнити наші території.
— Oleksiy Danilov (@OleksiyDanilov) April 14, 2023
C'est du moins ce qu'affirme Oleksiy Danilov, secrétaire du conseil de défense et de sécurité nationale d'Ukraine, dans le tweet lisible ci-dessus et repéré par The War Zone, qui a consacré un article à la question. Si, comme nous, vous ne connaissez pas la langue: il y explique en substance que la Crimée étant un territoire ukrainien selon le droit international, rien n'empêche Kiev d'y tester de nouveaux types d'armements.
Ces propos tenus sur Twitter ont été doublés d'un entretien donné à l'agence tatare Qirim News et publié le 14 avril dernier, dans lequel Danilov explique en substance que certaines des explosions récemment constatées en Crimée, comme à Djankoï, auraient pu avoir été causées par certaines de ces armes encore «secrètes».
Danilov hinted at the reasons for explosions in Crimeahttps://t.co/qlBwfN6Uw5
— QIRIM.News (@qirimnewseng) April 14, 2023
Difficile de ne pas voir une forme d'opération psychologique (ou «psyop») dans ces déclarations du haut responsable ukrainien. Difficile également de ne pas essayer d'y voir plus clair: l'Ukraine a déjà plusieurs fois et par de multiples moyens surpris le monde avec des attaques en territoire russe, comme sur les bases d'Engels-2 (oblast de Saratov) et de Diagilevo (oblast de Riazan) ou à quelques encablures de Moscou, soit bien au-delà de la portée de frappe qu'on lui prêtait.
Une question de kilomètres
En interrogeant un officiel ukrainien chargé de la défense, The War Zone se prête donc au jeu –si tant est que l'on puisse appeler cela un jeu– des devinettes: avec quoi l'Ukraine pourrait-elle frapper les forces russes en Crimée? Le site rappelle d'abord que Djankoï, où des missiles de croisière russes auraient été détruits dans une attaque de longue portée, est à 150 kilomètres environ des positions ukrainiennes de tir les plus proches.
Le site américain note cependant que si d'autres tentatives d'attaques par drones, aériens ou maritimes, ont visé la Crimée, notamment le port de Sébastopol, la Russie semble avoir (enfin) trouvé le moyen de les faire échouer. Quant aux lance-roquettes multiples M270 GMLRS ou aux fameux Himars, leur portée maximale est d'environ 80 kilomètres.
The War Zone pointe néanmoins le fait que les très efficaces «Ground Launched Small Diameter Bombs» (GLSDB), des bombes de haute précision et à portée étendue lancées depuis le sol, sont capables de frapper des cibles jusqu'à 150 kilomètres de distance –ç'eut été suffisant pour pleuvoir sur Djankoï.
Autre moyen de viser la Crimée plus en profondeur et de semer le chaos dans la logistique russe avant que les troupes terrestres n'avancent: le système de missiles Vilkha-M, doté d'une portée estimée à 110 kilomètres. Nous décrivions, le 3 mars dernier, ce missile de conception domestique discrètement mis en service par l'Ukraine comme étant «une version modifiée et très modernisée du vieillissant lance-roquettes multiple d'origine soviétique BM-30 Smerch, l'équivalent à l'Est du fameux Himars de construction américaine».
L'Ukraine abrite en outre ses propres firmes d'armement, telles qu'Ukroboronprom, au travail depuis des mois sur des drones de sa propre création, dont un mystérieux kamikaze qui serait doté d'une portée de 1.000 kilomètres et d'une charge de 75 kilos. En janvier, il était affirmé par Ukroboronprom que la chose avait réussi ses premiers tests, y compris en conditions de guerre électronique. Peut-être cet objet, comme d'autres, a-t-il trouvé une parade aux brouillages russes, constituant ainsi une option fiable pour frapper les profondeurs de la Crimée.
Une autre des méthodes évoquées par l'officiel interrogé par The War Zone est plus low-tech, mais s'avère souvent diablement efficace: il s'agit de compter sur les armées de l'ombre et les partisans qui, derrière les lignes, organisent la résistance et multiplient les coups contre des structures et troupes russes.
Enfin, The War Zone précise que l'Ukraine travaille sur une version alternative de son missile antinavire Neptune, capable non de frapper de gros objets métalliques posés sur les océans, comme le croiseur Moskva que l'engin a notoirement coulé le 14 avril 2022, mais des cibles terrestres.
Un nouveau système de guidage et de visée serait ainsi en train d'être conçu, notamment avec l'aide technologique des États-Unis. «Une fois que nous l'aurons, les Neptune pourront frapper des cibles à 360 kilomètres de là. Nous y sommes presque», s'enthousiasme un officiel ukrainien. Il est fort possible, sinon probable, qu'il s'agisse de l'une des armes «expérimentales» évoquées par Oleksiy Danilov.
Trois-cent-soixante kilomètres: ce serait soixante kilomètres de plus que les fameux ATACMS américains que Kiev réclame sans pause depuis des mois et que Washington rechigne à lui confier, de peur que le président russe Vladimir Poutine ne finisse par appuyer sur le gros bouton rouge du nucléaire.