Cela fait des mois que l'Ukraine et son président Volodymyr Zelensky militent activement pour obtenir des États-Unis et de ses alliés l'envoi de systèmes de défense antiaérienne à longue portée MIM-104 Patriot, les plus efficaces pour contrer les missiles les plus sophistiqués pouvant être envoyés par Moscou sur les infrastructures et populations civiles du pays.
Alors que les attaques continuent avec plus ou moins de succès et que, alors que le mordant hivernal s'abat sur le pays, les infrastructures énergétiques du pays menacent chaque jour un peu plus de s'effondrer, Kiev semble être sur le point d'obtenir gain de cause.
Selon CNN, les États-Unis seraient ainsi en train de finaliser leur plan pour l'envoi de ces précieux systèmes, largement éprouvés en Irak ou en Afghanistan, à l'Ukraine. Il ne manquerait, selon le média américain, que la signature du secrétaire à la Défense Lloyd Austin, puis l'imprimatur de Joe Biden, pour que le pays autorise le transfert de cette technologie aussi avancée que sensible.
Dimanche 11 décembre, l'un des bras droits du président ukrainien, Andrii Yermak, publiait un tweet à la fois cryptique et finalement plutôt clair, qui laissait entendre que les négociations étaient en bonne voie.
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— Andriy Yermak (@AndriyYermak) December 11, 2022
Ainsi que le notent CNN et les autres médias ayant repris l'information, comme The War Zone, quelques mystères demeurent toutefois quant à ce qui pourrait être annoncé. Utilisé par une grosse dizaine d'alliés des États-Unis, tels que l'Allemagne, le Japon ou Israël, le Patriot se fait plutôt rare, y compris dans l'inventaire de l'US Army, le seul corps américain à le manier.
Il est difficile de savoir d'où viendront les unités transférées à Kiev, et quels en seront les composants précis –une bisbille a récemment opposé l'Allemagne et la Pologne à propos de l'un de ces précieux appareils, proposée par Berlin mais que Varsovie souhaitait offrir directement à Kiev.
Manié par près d'une centaine de soldats, le système est complexe et comprend généralement un radar AN/MPQ-65 chargé de détecter et de suivre les menaces à détruire, des systèmes informatiques analysant les données, des générateurs d'électricité, une station de contrôle et jusqu'à huit lanceurs de missiles antimissiles.
L'Iran en ligne de mire
L'arrivée probable en Ukraine du Patriot, système purement défensif, provoque bien entendu l'ire du Kremlin, qui a déjà expliqué que le bouclier antimissile serait «une cible légitime» pour ses armées s'il était installé dans les cieux ukrainiens.
Il faudra sans doute quelques semaines, sinon quelques mois, pour que les Patriot soient cela dit opérationnels en Ukraine: l'entraînement des troupes de Kiev au maniement de ses multiples éléments peut prendre du temps. Selon les officiels américains contactés par CNN, il serait déjà prévu sur la base de Grafenwöhr, en Allemagne.
La probable arrivée prochaine des Patriot dans le conflit est par ailleurs trop tardive pour sauver l'Ukraine et sa population d'un hiver au froid infernal, donc peut-être pour éviter les migrations massives espérées par le Kremlin pour déstabiliser l'Europe de l'Ouest.
Elle constitue pourtant un changement de nature assez net de la guerre, qui gagne en ampleur internationale. D'une certaine manière, en fournissant ou en autorisant la fourniture de Patriot à l'Ukraine, Washington poursuit sa lutte à distance contre la Russie, mais intensifie également celle qu'elle mène contre l'Iran: ces systèmes sont déjà utilisés dans divers pays du Moyen-Orient, notamment en Arabie saoudite, pour contrer les menaces iraniennes dans la région.
Selon Washington, Moscou chercherait à massifier un peu plus le soutien technique et militaire que lui fournit Téhéran depuis quelques mois, déjà décrit comme «sans précédent» –missiles et drones suicide ont déjà été commandés et livrés en masse. L'Iran aide ainsi la Russie à arroser l'Ukraine de divers projectiles qu'elle ne peut elle-même plus produire.
Moscou chercherait à se procurer des stocks conséquents de missiles balistiques auprès de l'Iran, notamment des Fateh-110, afin de continuer sa campagne de destruction systématique de son voisin. Pour ce dernier, comme pour sa population, ces acquisitions sont inquiétantes en l'état, malgré les limitations que s'impose Téhéran dans la portée des missiles livrés, de peur d'une trop vive réaction internationale.
Mais si Kiev avait les moyens de détruire ces missiles avant même qu'ils ne constituent une menace sérieuse, c'est toute la stratégie de Moscou qui s'en trouverait mise à mal. Condamnée au silence dans les airs, il faudrait à nouveau qu'elle fasse ses preuves au sol, ce qu'elle n'arrive plus et pourrait ne plus jamais réussir à faire, selon le renseignement britannique.