Un tigre dans son moteur, et dans son canon. | U.S. Army / Staff Sgt. Michael Behlin via Dvids
Un tigre dans son moteur, et dans son canon. | U.S. Army / Staff Sgt. Michael Behlin via Dvids

Pourquoi l'Ukraine a besoin des Leopard 2 allemands, et vite

Obsolètes, les chars? Pas vraiment, et pas là-bas.

Souvenez-vous, c'était au début de cette guerre qui n'a pas un an mais semble déjà s'étirer sur des décennies. Approchant Kiev, l'armée russe subissait de très lourdes pertes, notamment en chars, visibles sur ces images édifiantes de convois de blindés intégralement démolis, rappelant les ballons explosés à la fête foraine.

La chose était entendue. Face à de l'artillerie moderne, à une profusion d'armes antichars comme le fameux «saint Javelin», aux drones low-cost turcs Bayraktar-2, voire à des appareils civils bricolés pour tuer du tank, les gros blindés, modernes comme anciens, ne valaient plus tripette. Les Russes en ont perdu et en perdent encore d'ailleurs un nombre ahurissant, signe de la fin d'une époque.

Et pourtant. L'armée ukrainienne, celle-là même qui a si bien su contrer ceux venus de Russie, en réclame à cor et à cri à ses alliés occidentaux, en préparation des rudes mois de guerre qui viennent. La France a donné le coup d'envoi en annonçant l'envoi de blindés mobiles AMX-10 RC («roues-canon»), suivie quelque temps après par les États-Unis et ses Bradley ou l'Allemagne et ses Marder.

Côté armes roulantes, un important premier tabou est tombé –pas encore le plus lourd néanmoins–, celui de l'envoi de chars de combat ou «main battle tank» (MBT) dans la nomenclature anglo-saxonne. C'est la Grande-Bretagne, annonçant la livraison de quatorze Challenger 2, qui a franchi le Rubicon mi-janvier.

Si comme pour Londres, il y aurait un intérêt politique et moral à le faire, ne serait-ce peut-être que pour à nouveau lancer le mouvement, Paris peut difficilement livrer ses Leclerc, pourtant excellents, pour des raisons logistiques et techniques. La France n'en a en effet tout simplement pas suffisamment en réserve et en état, comme l'expliquait récemment Stéphane Audrand, consultant en risques internationaux, dans un fil extrêmement clair sur Twitter.

Félin pour l'autre

Selon de nombreux analystes, il est cependant un char occidental coche toutes les cases: le Leopard 2. Disponible en grand nombre car utilisé par de nombreuses armées en Europe et ailleurs (Allemagne, Pologne, Espagne, République tchèque, Grèce, Pays-Bas, Suède, etc.), extrêmement capable, en particulier face aux chars russes vieillissants, l'animal pourrait contribuer à renverser le cours de la guerre.

Son fabriquant, Rheinmetall, a prévenu que la livraison d'exemplaires allemands ne pourrait avoir lieu avant 2024. Si toutefois le gouvernement d'Olaf Scholz, sous la pression de ses alliés comme de l'Ukraine, se décidait à en livrer à Kiev. Une question épineuse qui a coûté son poste à la ministre de la Défense outre-Rhin, et qui pourrait dépendre de l'attitude de Washington et de l'éventuel envoi en Ukraine de certains de ses M1 Abrams.

D'autres nations, comme la Pologne, se disent depuis quelques jours prêtes à envoyer rapidement des Leopard 2 à l'Ukraine, dans le cas où l'Allemagne donnerait son indispensable feu vert et dans le cadre d'une «coalition de donneurs».

Mais pourquoi y a-t-il une telle urgence à fournir à l'Ukraine des dizaines, voire des centaines de chars lourd modernes, s'ils ne sont plus aptes qu'à être détruits en quelques minutes sur un champ de bataille, et alors que la Grande-Bretagne réfléchissait à s'en débarrasser une bonne fois pour toutes il y a deux ans encore?

Parce que, justement, ils y conservent malgré tout une importance primordiale, ainsi que l'expliquent Politico ou le Washington Post, pour ne citer qu'eux. «L'Ukraine prouve que les blindés ont leur importance», affirmait ainsi Ben Wallace, ministre britannique de la Défense, en annonçant l'envoi de Challenger 2.

Canon sur chenilles, le Leopard 2 est à la fois d'une puissance redoutable et très mobile. Or, en Ukraine, la Russie mobilise une infanterie nombreuse, et qui devrait l'être encore plus dans les prochains mois, voire dans les prochaines années si le conflit traîne comme semble l'espérer Vladimir Poutine.

Face à cette chair à canon, que Moscou n'hésite pas à envoyer sous le feu par vagues et sans grande protection, ce sont justement des canons, si possibles capables d'aller rapidement d'un point chaud à un autre, qui peuvent faire la différence –au sein, bien sûr, d'un dispositif complet, multimodal et bien maîtrisé sur le plan opératif comme sur le plan technique.

La chenille qui redémarre

Il ne s'agit désormais plus pour Kiev de simplement se défendre, mais d'alimenter de contre-offensives à même de permettre à l'Ukraine de reconquérir les territoires occupés par la Russie ou ses affidés depuis 2014. De ces objectifs stratégiques dépendront les prochains envois d'armes, y compris, pourquoi pas?, de missiles à longue portée voire d'avions de chasse, de la part de ses alliés occidentaux.

«Si l'Ukraine veut avoir la moindre chance en repartant à l'offensive, ils vont avoir besoin de gros canons –des Land Rover militarisés ou des véhicules de patrouille blindés ne seront pas suffisant. Ils ont besoin de quelque chose qui soit capable de détruire les chars russes à distance», insiste un diplomate européen interrogé par Politico. «La mobilité est la clé.»

Le site note également que les lance-missiles Himars, qui ont fait et font tant de miracles militaires depuis leur fourniture par les États-Unis, commencent à être mieux pris en compte par les forces russes, qui s'éloignent peu à peu pour éviter les frappes.

Kiev a donc besoin d'une artillerie très mobile, capable d'aller au contact: ce sont ces fameux «main battle tanks», ces Leopard 2 ou ces M1 Abrams tant décriés il y a quelques mois, tant attendus désormais. Encore faudra-t-il entraîner les équipages ukrainiens à utiliser ces matériels qu'ils ne connaissent pas. Et avant que les chars n'arrivent. Le plus tôt sera le mieux, car les prochaines semaines puis les prochains mois seront décisifs.

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