«La guerre! C'est une chose trop grave pour la confier à des militaires», disait Clemenceau. | Kirill Kudryavtsev / AFP 
«La guerre! C'est une chose trop grave pour la confier à des militaires», disait Clemenceau. | Kirill Kudryavtsev / AFP 

Poutine s'improviserait général à distance dans le Donbass (et ça ne marche pas très bien)

La tactique, c'est un métier.

Ne s'improvise pas Napoléon Bonaparte, George Patton ou Gueorgui Joukov qui veut. Selon des indiscrétions bruissant dans les couloirs du renseignement militaire occidental, rapportées notamment par le Daily Telegraph ou le Guardian, Vladimir Poutine veut: le président russe serait étroitement impliqué dans les opérations actuelles de ses armées dans le Donbass.

Si d'autres fronts semblent plus favorables aux troupes du Kremlin, la récente reprise de Kharkiv par les armées ukrainiennes ou la cataclysmique tentative de traverser le Donets furent deux nouveaux revers majeurs pour un président russe dont la fragilité en interne semble croissante.

Il est pourtant peut-être partiellement responsable de ces désastres: d'après les sources militaires occidentales interrogées par les quotidiens britanniques, Vladimir Poutine serait engagé «à un niveau de colonel ou de général de brigade» dans les opérations en cours.

Autrement dit, en plus sans doute de décider des grands schémas stratégiques de cette guerre qui ne tourne décidément pas à son avantage, il donnerait depuis son bureau du Kremlin des ordres aux troupes au sol, et ce à un niveau tactique.

Il le ferait aux côtés du général Valeri Guerassimov, que l'on avait cru écarté du fait de l'échec de la prise de Kiev, et que l'on a plus récemment dit blessé dans une attaque ukrainienne, peut-être appuyée par le renseignement américain, lors d'une visite du front dans le Donbass.

«Nous pensons que Poutine et Guerassimov sont impliqués dans les décisions tactiques à un niveau qui serait celui attendu d'un général ou d'un général de brigade», ont ainsi appris des sources militaires anonymes au Guardian. «Jeff Bezos ne livre pas vos colis, il se charge des décisions stratégiques», s'est moquée une autre source auprès du Telegraph.

Ça coince

Comme le note Business Insider, cette implication pratique et quotidienne du sommet de la pyramide dans les mouvements et actions des troupes au sol n'est pas sans précédent –elle n'est pas sans conséquence non plus.

«Cela ne sort pas de l'ordinaire dans les guerres menées par la Russie, explique Simon Miles, historien à la Sanford School of Public Policy at Duke University. C'est en revanche moins courant dans un contexte américain, et c'est ce que l'on appelle péjorativement du “micromanagement”.»

On a d'ailleurs vu, depuis le début de la guerre, les généraux russes prendre part très directement aux combats en allant donner leurs ordres au plus près du front, avec pour conséquence la mort d'un nombre record d'entre eux sous les bombes ukrainiennes.

Cette chaîne hiérarchique rigide, à opposer aux plus grandes libertés opérationnelles laissées aux groupes de combattants ukrainiens, donc à leur créativité et leur adaptabilité, coûte cher à l'armée russe, qui peine à faire valoir autre chose que la force brute de son plus grand nombre.

L'ajout de l'échelon supplémentaire et on ne peut plus supérieur que constituent Vladimir Poutine et son état-major, loin des combats, ne peut que gripper davantage la machine russe.

«Ce n'est pas une très bonne manière de mener une guerre, observe Miller. C'est très loin d'être une culture militaire efficace en termes opérationnels, et cela nous aide à mieux comprendre les performances faibles de l'armée russe.»

Des échecs répétés qui commencent à faire jaser en Russie même, où les règles concernant ce qui est raconté du théâtre de guerre en Ukraine sont pourtant drastiques et peuvent vite vous mener en prison.

Colonel à la retraite et consultant dans divers médias du pays, Mikhail Khodaryonok s'est ainsi permis de dérouler une diatribe assez sévère contre les opérations russes en Ukraine et leurs échecs répétés, tout comme les menaces nucléaires de Poutine qui ne sont «qu'une blague», sur la chaîne de télévision d'État Rossiya 1, l'une des plus regardées.

The Week a également pu constater que certains des blogueurs militaires les plus suivis du pays n'avaient pas eu de mots assez durs pour décrire le désastre de la traversée ratée de la rivière Donets.

«La goutte qui a fait déborder le vase de ma patience, ce sont les événements à Bilohorivka où, par stupidité –j'insiste sur la stupidité de la chaîne de commandement russe–, un bataillon tactique entier a été perdu, possiblement deux», a ainsi écrit Yuri Podolyaka à ses 2,1 millions d'abonnés.

«Les commentaires émis par ces blogueurs très suivis pourraient alimenter des doutes bourgeonnants à propos des perspectives de la Russie dans cette guerre et sur la compétence de ses leaders militaires», a écrit à ce propos l'Institut pour l'étude de la guerre (ISW).

«La guerre! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires», a fameusement déclaré Clemenceau: Vladimir Poutine l'a pris au mot mais les conséquences pourraient être mortelles, pour son pouvoir comme pour les hommes qu'il envoie sans compter sur le front ukrainien.

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