C'est l'annonce la plus importante de la visite londonienne du président ukrainien Volodymyr Zelensky, mercredi 8 février, suivie par un arrêt plus bref à l'Élysée où il a pu rencontrer Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz: le Royaume-Uni s'est engagé à former les pilotes ukrainiens aux procédures et technologies des appareils occidentaux.
D'emblée, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a adopté l'attitude inverse à celle de Joe Biden, qui a sèchement répondu «non» à la question d'éventuelles livraisons de F-16 à Kiev –une fermeté sur laquelle son secrétaire d'État Antony Blinken semble d'ailleurs commencer à revenir. Ainsi, comme l'avait fait Emmanuel Macron fin janvier à propos de l'envoi de Mirage 2000 ou d'appareils français en Ukraine, le Premier ministre britannique a affirmé que toutes les options étaient «sur la table» quant au transfert d'aéronefs britanniques à Kiev.
Comme elle le fut pour les chars de combat lourds, la progression est donc notable du côté des alliés occidentaux de l'Ukraine qui, lentement mais sûrement, semblent prêts à franchir ce nouveau pas et préparer le terrain pour un armement aérien de Kiev. C'est ainsi peut-être le début de la formation d'une «coalition des avions de chasse» que réclament sans relâche Volodymyr Zelensky et son administration depuis un an, et comme il a fini par s'en créer une autour des blindés de combat, après de longues hésitations et de nombreuses craintes d'escalade.
L'un des moments les plus forts de cette visite au Royaume-Uni a été, lors de son discours dans le Westminster Hall, la remise par le président ukrainien à Sir Lindsay Hoyle, président de la Chambre des communes, d'un casque de pilote. «Nous avons la liberté. Donnez-nous des ailes pour la défendre», y était-il inscrit de la main d'un aviateur ukrainien.
"We have freedom. Give us wings to protect it"
— Bloomberg UK (@BloombergUK) February 8, 2023
Volodymyr Zelenskiy presents the Speaker of the House of Commons with a pilot's helmet, as the president calls for allies to supply combat aircraft to Ukraine https://t.co/xQ1LgZzjch pic.twitter.com/hTeVyC2LMP
At the climax of his Westminster Hall address, Zelensky gifts the UK a Ukrainian pilot's helmet - and asks for a "coalition of planes" from the West.
— Dan Bloom (@danbloom1) February 8, 2023
Written on the helmet, he says, is: "We have freedom. Give us wings to protect it." pic.twitter.com/9aH9KBccmf
Formation accélérée (à Mach 2)
Quelle forme pourrait prendre l'entraînement des pilotes ukrainiens sur des matériels de l'OTAN, et qu'en attendre dans l'immédiat? Cela reste à préciser. Mais le processus semble bel et bien enclenché. Et ce n'est pas la première fois que Londres est à l'initiative d'avancées du type: le pays a également été le premier à annoncer l'envoi de blindés lourds aux forces de Kiev, des Challenger 2 qui pourraient arriver dès le mois de mars sur les champs de bataille ukrainiens, ce qui avait ouvert la voie à bien d'autres déclarations du même ordre.
Le plan de formation britannique est présenté comme de long terme. L'idée de ce «programme de conversion opérationnelle», explique le Financial Times, est de préparer l'entraînement des pilotes ukrainiens sur les matériels de l'OTAN. Si un entraînement sur des appareils ad hoc comme les Hawk T2 est évoqué, The War Zone précise toutefois que les forces britanniques peinent déjà à correctement former leurs propres pilotes sur ces engins.
Il est donc plus probable que des pilotes ukrainiens déjà expérimentés ou très expérimentés soient entraînés sur des simulateurs aux systèmes, armes et procédures occidentaux. «L'idée est que lorsque des appareils de l'OTAN seront fournis à l'Ukraine, l'entraînement et la conversion prennent moins de temps», affirme ainsi Justin Bronk du Royal United Services Institute, un cercle de réflexion londonien, au Financial Times.
UK has synthetic training facilities, which can be used to train on modern tactics and weapon employment. Learning to fly an aircraft is a relatively simple transition, learning how to use the systems to maximum effect is the key part and transferable to most modern types. https://t.co/38A8o3nm1P
— Greg Bagwell (@gregbagwell) February 8, 2023
Réalisé dans les règles de l'art, un tel entraînement peut prendre des mois voire des années. Si cela serait utile pour l'avenir lointain des forces armées aériennes du pays, l'urgence face à la Russie ne permet cependant par de tels délais. Le processus de transition sur des appareils occidentaux, des F-16 par exemple, pourrait néanmoins être grandement accéléré. À en croire de récentes déclarations d'un porte-parole de l'armée de l'air ukrainienne, les choses sont en effet bien plus avancées qu'il ne le semble.
«Nos pilotes militaires sont allés aux États-Unis, des fonds ont été alloués pour leur entraînement, a ainsi déclaré Yuri Ignat à l'organe officiel ArmyInform. Le type d'avion qui sera probablement fourni à l'Ukraine et les conditions de l'entraînement de nos pilotes ont déjà été déterminés.» Le pays aurait même déjà commencé la réfection de certains de ses aéroports militaires, pour préparer la venue de ces appareils.
Les pilotes ukrainiens insistent eux-mêmes depuis des mois, avec un optimisme certes plutôt bravache, sur le fait que quelques semaines pourraient leur suffire pour être prêts à prendre le manche d'un F-16 et à patrouiller les cieux de leur pays. Dotées elles-mêmes de leurs propres filières, d'autres nations comme la Pologne sont en outre en capacité d'entraîner des pilotes en jaune et bleu sur des appareils occidentaux. L'annonce de Londres pourrait ainsi en débloquer bien d'autres.
Quant aux appareils eux-mêmes, Rishi Sunak a demandé à son ministre de la Défense, Ben Wallace, d'étudier quels modèles Londres pourrait éventuellement envoyer à Kiev. La Royal Air Force n'opère pas de F-16, et l'envoi de F-35 rutilants semble à l'évidence hors de question. Si un quelconque transfert de technologie venait à être confirmé, le choix pourrait donc éventuellement se porter sur des Eurofighter Typhoon de première génération, dont le déclassement est prévu pour 2025.
For those on the give Ukraine Tranche 1 Typhoon train, since the question has been asked;
— Justin Bronk (@Justin_Br0nk) February 8, 2023
1) The RAF does not have 53 serviceable Tranche 1s to give. There are far fewer now (c20-25).
2) Those remaining have much more limited combat/weapons capabilities than Tranche 2/3 (1/6) pic.twitter.com/7ggGBFNRhp
Comme le note néanmoins The War Zone, l'appareil est coûteux à entretenir et dispose de capacités d'attaque au sol très limitées. La piste du F-16, notamment évoquée par les Pays-Bas, utilisé par d'innombrables pays membres de l'OTAN, reste à ce jour la plus solide.