Le 21 septembre, Vladimir Poutine franchissait le Rubicon qu'il s'était jusqu'ici refusé à franchir lors de son «opération spéciale» en Ukraine, cette guerre d'invasion qui ne disait pas son nom: il décrétait une mobilisation partielle en Russie, appelant officiellement 300.000 réservistes sous les drapeaux mais possiblement trois à quatre fois plus.
Comme nous l'expliquions il y a quelques jours, si cet apport massif de chair fraîche à canon et de drones a bien sûr de quoi inquiéter Kiev, il est dans le même temps assez peu probable que ces nouvelles armées du Kremlin, mal équipées, mal entraînées et mal encadrées, qui ont depuis le début du conflit montré un nombre incalculable de failles et subi des pertes colossales, ne pèsent réellement avant quelques mois.
Ces derniers jours, de nouvelles images et informations –parfois en provenance du commandement ukrainien, donc sujettes à caution– assombrissaient encore un peu plus le tableau de ces jeunes gens envoyés par dizaines de milliers à une mort sinon certaine, du moins probable.
L'un des journalistes du média d'investigation indépendant Bellingcat, Christo Grozev, retweetait ainsi depuis son compte l'une des vidéos que l'on avait pu croiser ici ou là, où l'on peut voir de frais mobilisés russes effarés montrant au monde les armes qui leur avaient été données par leurs cadres.
Leur hiérarchie leur a donc confié des fusils mitrailleurs rouillés jusqu'à la pourriture, à jamais rendus inutilisables par un évident manque d'entretien. «J'imagine que ces armes fonctionnent en les frottant à l'ennemi pour lui transmettre le tétanos», se moque le journaliste.
Newly mobilized Russian men are showing the rusted AK's they were given. pic.twitter.com/bRvVmdJC5b
— Christo Grozev (@christogrozev) September 24, 2022
I guess these work by scratching the enemy and giving them Tetanus. pic.twitter.com/zhBEyW2N0Z
— Christo Grozev (@christogrozev) September 24, 2022
Selon Anton Gerashchenko, proche du pouvoir ukrainien qui publie la même vidéo, lesdits fusils auraient été fournis aux militaires en attendant mieux, pour faire fonctionner «la mémoire manuelle». «Mais j'imagine que c'est ce qu'ils auront dans les mains quand ils monteront au front», suppose-t-il.
автоматы для путенских мобиков pic.twitter.com/usvYrT3F9Z
— IgorGirkin (@GirkinGirkin) September 24, 2022
«Ce sont les gars dans les chars qui ont reçu ces merdes», commente une voix dans l'une des vidéos postées, selon la traduction effectuée par le Daily Mail. «Ils nous ont dit: “Vous êtes dans des tanks, donc vous n'en avez rien à foutre des kalachnikovs”», ajoute le soldat, passablement énervé en examinant sa vieille AKM.
«Alco-bataillons»
Dans le même temps se multipliaient les manifestations (réprimées) en Russie contre cette mobilisation impopulaire, tandis que Vladimir Poutine allait semble-t-il se mettre quelques jours au vert dans une discrète datcha du lac Valdaï.
Le législateur russe, de son côté, durcissait grandement les sanctions en cas de désertion, de refus de servir sous les drapeaux ou de reddition en votant une loi n'étant pas sans rappeler le tristement célèbre «Ordre n°227» du 28 juillet 1942, exigeant des troupes soviétiques qu'elles ne fassent «plus un pas en arrière».
On comprend mieux alors les tentatives d'exode du pays, par les airs puis par la route, de ceux qui le peuvent. On comprend mieux également l'état dans lequel se trouvent certains hommes fraîchement mobilisés dans quelques vidéos.
The wife of a 45-year-old man from the Russian city of Lipetsk says he is being sent to the front in Ukraine after *A SINGLE DAY* of training following his mobilisation earlier this week https://t.co/HhA5QpfZvJ
— Francis Scarr (@francis_scarr) September 25, 2022
A freshly recruited alco-battalion in Sakhalin prepares for deployment to the front
— Francis Scarr (@francis_scarr) September 23, 2022
In the video (amidst lots of obscenities) they say they're on their way to a short stint of training in Kamchatka before heading to Ukraine pic.twitter.com/IpwnmWHl4Y
Ivrognes et bagarreurs, envoyés semble-t-il pour certains au front après quelques heures seulement d'entraînement, les «alco-bataillons» dont se moquent abondamment les médias ukrainiens n'ont plus qu'un seul horizon: noyer les très sombres heures qui les attendent dans l'excès d'alcool, jusqu'à l'oubli.
Meanwhile, it only took a few hours for another group of mobilised Russians to get dead drunk. "What are we going for? Where are going? F*ck knows!", one concludes. pic.twitter.com/8XUP4UNbFP
— Tadeusz Giczan (@TadeuszGiczan) September 22, 2022
The #Russian alco-battalion has been successfully completed and is ready to be sent to the front.
— NEXTA (@nexta_tv) September 24, 2022
"As you go to the front, so you will fight," the author of the video notes. pic.twitter.com/C6rMBx1O6D
Drunken Russian soldiers who have just been mobilized by Putin get into fights with each other.
— Visegrád 24 (@visegrad24) September 23, 2022
It’s a sham army… pic.twitter.com/wqLOV7NtzG