Nous avons, à de multiples reprises, mentionné dans ces colonnes numériques les limitations parfois graves des vieux matériels de conception soviétique, notamment ces chars dont la tourelle a la très fâcheuse tendance, en cas d'impact mal placé, à se transformer en «boîte du diable».
Nous connaissons donc les défauts des armes et équipements utilisés par les forces russes –et parfois ukrainiennes– depuis le début de la guerre et l'invasion de grande ampleur lancées par Moscou en février 2022. Nous étions cependant loin de nous douter que ces écueils pouvaient même toucher de simples baudruches.
C'est pourtant précisément ce que rapporte l'état-major des forces de Kiev, dans un post de «trolling» militaire sur Facebook dont il a le secret: selon lui, la Russie aurait cherché à leurrer son ennemi en utilisant des chars factices et gonflables qui –pas de chance!– se sont très vite dégonflés.
«Alors que nos alliés acceptent de fournir des chars à l'Ukraine, l'armée d'occupation augmente également la présence de ses unités de blindés dans la région de Zaporijia», est-il écrit, selon la traduction automatique fournie par Facebook. «Mais il semble que l'air de la région ne soit pas adapté aux produits en caoutchouc des occupants, qui se sont dégonflés sans remplir la mission qui leur avait été confiée. À l'image du courage de l'armée russe.»
Dégonflés!
Cette technique du leurre gonflable est loin d'être inédite. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le glorieux général américain George Patton a ainsi, un temps, été le chef imaginaire d'une «armée fantôme» destinée à tromper les nazis quant aux intentions réelles de débarquement des alliés.
Grande entreprise de désinformation, cette opération «Quicksilver» s'inscrivait dans une campagne de manipulation plus large nommée «Fortitude», l'une des plus spectaculaires et minutieuses de l'histoire récente, et à laquelle un film nommé La Ruse a été consacré en 2021.
Comme l'expliquait le magazine L'Express en février 2022, la pratique de la duperie militaire, ou «maskirovka» en langage russe, occupe, depuis longtemps, une place importante dans la tactique russe. Encore faut-il que les rustines tiennent le choc, ce qui ne fut semble-t-il pas le cas cette fois. Les Ukrainiens eux-mêmes ont déjà utilisé la technique en construisant de faux lance-roquettes Himars en bois, afin de pousser leurs ennemis à gâcher des précieuses munitions sur de fausses cibles.
Sur le plan militaire, il n'est pas étonnant que ces chars factices aient été amenés dans la région de Zaporijia. Selon de nombreux analystes et d'après le renseignement militaire américain et le ministère britannique de la Défense, c'est ici que la Russie comme l'Ukraine préparent leurs prochaines grandes offensives, une «grande bataille», pour reprendre l'expression d'un un sergent-chef ukrainien cité par le Guardian, dont pourrait dépendre la suite du conflit.
Quant à la propagande numérique des agents de Moscou, elle n'a besoin d'aucun char gonflable pour verser dans un certain ridicule. On a ainsi pu croiser, ces derniers jours, sur les réseaux sociaux, la photo d'un premier char Abrams soi-disant détruit par les fières armées russes.
Problème: comme les Bradley que l'armée russe affirmait, en janvier, avoir détruits, lesdits chars sont encore loin d'avoir traversé l'Atlantique. Surtout, sauf grave erreur géographique de notre part, l'Ukraine ne dispose pas de régions aussi désertiques que celle visible sur la photo censée être une preuve irréfutable de la victoire russe.
The unique desert climate in Bakhmut apparently stands in stark contrast to the rest of Eastern Europe. pic.twitter.com/ecfwvV7Zhz
— Havoc Six (@Havoc_Six) January 28, 2023