La Russie et le sommet de sa hiérarchie étatique, à commencer par son président Vladimir Poutine, ne cessent de vanter les nouvelles armes ultra modernes que produit le pays et dont, est-il clamé depuis des années, l'Occident devrait apprendre à se méfier.
Dernier exemple en date, après l'usage de missiles hypersoniques Kinjal, d'une efficacité contestée: le lancement dans l'océan Atlantique de l'Amiral Gorchkov, une frégate dotée de missiles balistiques hypersoniques Zircon, annoncé par Vladimir Poutine le 4 janvier. Une manière de montrer une fois de plus des crocs, dont il est légitime de mettre le tranchant en question.
Il est une autre merveille technologique dont dispose Moscou, mais qui s'est faite très discrète depuis le début de ce qu'elle appelle son «opération spéciale» en Ukraine: le Su-57 «Felon», chasseur et bombardier le plus avancé sorti des lignes de production de Soukhoï, fraîchement entré en service et qu'elle prétend avoir déjà utilisé dans cette guerre à son voisin.
Le toujours très bavard ministère britannique de la Défense, dans l'un de ses points quotidiens, estime en effet que Moscou a bien utilisé cet atout supposé maître face à son ennemi.
Avec une limite cependant, et non des moindres: l'avion n'aurait opéré que depuis les cieux russes, très en retrait du champ de bataille. La Russie ayant peur que ce bijou et ses entrailles secrètes ne se fassent faucher par les défenses anti-aériennes ukrainiennes et ne tombent entre des mains ravies de les décortiquer, comme c'est arrivé avec d'autres précieux matériels.
Latest Defence Intelligence update on the situation in Ukraine - 9 January 2023
— Ministry of Defence 🇬🇧 (@DefenceHQ) January 9, 2023
Find out more about the UK government's response: https://t.co/MFEwqMMnI3
🇺🇦 #StandWithUkraine 🇺🇦 pic.twitter.com/mdjvswJrWJ
Selon le Royaume-Uni, des Su-57 seraient employés depuis juin dernier, au moins pour tirer, à une distance respectable, des missiles air-air ou vers des cibles au sol –ce qu'avait déjà affirmé l'agence d'État Tass. Comme les Mikoyan-Gourevitch Mig-31, qui opèrent depuis le territoire russe ou biélorusse et représentent une menace réelle pour l'Ukraine et ses chasseurs, les Su-57 ne risqueraient ainsi pas de tomber entre de mauvaises mains. Cela expliquerait l'absence de vidéos ou de photos accréditant cette utilisation.
Furtif ou invisible?
Le renseignement britannique se base sur des images satellites de la base d'Akhtoubinsk, dans l'oblast d'Astrakhan (Russie), où seraient stationnés les précieux aéronefs quand ils ne prennent pas les cieux pour effectuer leur lointaine besogne.
Mais ainsi que le notent fort à propos The War Zone et certains observateurs, la preuve semble mince. D'autant plus mince que le ministère britannique affirme que la base est la seule à recevoir des Su-57, alors que d'autres preuves les ont déjà montrés dans celle de Lipetsk.
British intelligence published satellite images of Russian Su-57 fighters at the airfield in Akhtubinsk, Astrakhan region. The British believe that Russia began to use these aircraft for missile strikes on the territory of Ukraine. pic.twitter.com/Rc4xpauI1Z
— NOËL 🇪🇺 🇺🇦 (@NOELreports) January 9, 2023
Kind of a strange conclusion here, IMHO. Examples of the T-50/Su-57 FELON have been at Akhtubinsk for years. It’s a reach to claim that because “this is the only known FELON base, these aircraft have likely been involved in operations against Ukraine.” https://t.co/n6BNLwP1G8
— Thomas Newdick (@CombatAir) January 9, 2023
Reste que les pays de l'OTAN, alliés de Kiev, ont les moyens de savoir assez précisément ce qu'il se passe dans les cieux russes, qu'ils surveillent sans discontinuer depuis les frontières de l'alliance. Difficile, alors, de ne penser que le ministère britannique de la Défense ne dispose que de ce maigre élément pour prouver ses allégations.
Ukraine : grosse activité de surveillance électromagnétique occidentale aux frontières du pays ce matin, avec notamment un drone américain RQ-4 Global Hawk au large de la Crimée et un Awacs de l'OTAN dans le ciel roumain pic.twitter.com/E8GoNoQqfC
— Cédric Pietralunga (@CPietralunga) January 9, 2023
«Il semble hautement probable que la Russie essaie en priorité d'éviter d'abîmer la réputation de l'appareil et donc les possibilités de l'exporter, ainsi que la compromission de technologies sensibles si un Felon devait être perdu au-dessus de l'Ukraine», estime le renseignement militaire britannique à propos de cet usage lointain du Su-57.
Certes, cela semble logique. Mais il semblerait également cohérent qu'un baptême du feu de l'appareil en bonne et due forme, rendu publique et glorifié par l'armée russe comme par son concepteur Soukhoï, puisse booster ses perspectives à l'export. Rien ne prouve mieux la valeur d'un aéronef de combat que le combat lui-même. Il y a donc de quoi se poser quelques questions sur la stratégie du Kremlin, et sur les autres armes présentées en permanence comme invincibles et miraculeuses par la Russie.