Des artilleurs ukrainiens utilisent un obusier M777 à l'est de l'Ukraine, le 23 novembre 2022. | Anatolii Stepanov / AFP
Des artilleurs ukrainiens utilisent un obusier M777 à l'est de l'Ukraine, le 23 novembre 2022. | Anatolii Stepanov / AFP

Un tiers de l'artillerie envoyée à l'Ukraine par ses alliés est hors de combat

Un SAV est organisé en Pologne par le Pentagone.

Envoyer de l'artillerie, c'est bien; en prendre soin sur la durée, c'est mieux. Selon des officiels américains de la Défense, interrogés et cités par le New York Times, un tiers des trois-cent-cinquante canons et pièces d'artillerie envoyées à l'Ukraine par ses alliés est hors de service.

Rien d'anormal dans ce chiffre: les canons –c'est vieux comme leur arrivée sur les champs de bataille– s'usent à mesure que l'on s'en sert. Leurs pièces peuvent rompre ou se déformer, notamment les tubes soumis à des pressions et des montées en température à même de blesser les plus résistants des matériaux. La fabrication de ceux des canons autoportés Caesar est d'ailleurs devenu un enjeu crucial pour l'usine Nexter à Bourges et pour toute la filière française. Or, cette artillerie fournie à l'Ukraine par les pays amis est très, très utilisée.

Les obusiers M777, M109 Paladin américains, Panzerhaubitze 2000 allemands ou Caesar français, pour ne citer qu'eux, n'ont pas seulement permis de remplacer celle, antédiluvienne, de l'ère soviétique, pour laquelle les munitions commençaient à manquer. Ces canons ont été cruciaux pour Kiev, aidant à freiner et stopper l'avancée russe, voire à reprendre le dessus –notamment avec l'aide d'autres types d'armes comme les lance-roquettes multiples M270 et M142, les fameux Himars.

Kiev n'a eu d'autre choix que d'en faire un usage immodéré: au plus haut, il a été estimé que 20.000 obus étaient quotidiennement utilisés côté ukrainien et 60.000 côté russe.

Le front ayant été quelque peu figé par une météo exécrable et la boue qui l'accompagne –voir les terribles photos des tranchées de Bakhmout ci-dessous–, ainsi que par les premiers frimas de l'hiver et diverses considérations stratégiques, la cadence a ces jours-ci été ralentie à 2.000-4.000 obus par jour.

Une telle utilisation pose un problème à l'industrie, mais elle fait également mal aux canons, qui finissent par casser, perdre en précision ou en portée, et nécessitent une maintenance régulière pour pouvoir continuer à frapper l'ennemi. Or, c'est un travail qui dépasse les compétences et capacités des militaires sur le front.

Le tube de l'année

Le Pentagone a donc mis en place en Pologne des ateliers spécialisés dans cette maintenance et ces réparations –c'est ce que révèle l'article du New York Times. Les pièces d'artillerie fatiguées et nécessitant, par exemple, un changement de tube sont retirées du front et y sont envoyées. Une fois requinquées, elles peuvent repartir faire leur office dans le Donbass ou sur le front sud. Les autorités occidentales réfléchissent par ailleurs à raccourcir cette ligne logistique pour une rotation plus rapide.

Outre l'importante cadence de tir, plusieurs facteurs expliquent cette usure rapide des armes fournies à l'Ukraine. Selon l'analyste Rob Lee, l'un des plus intéressants à suivre sur Twitter, le manque d'entraînement spécifique des troupes ukrainienne sur ces pièces occidentales cause nécessairement quelques soucis.

En outre, le New York Times explique que certains canons tirent des obus (de 155mm) pour lesquels ils n'avaient préalablement pas été testés. Si l'interopérabilité des matériels des forces de l'OTAN est souvent mise en avant, elle est parfois prématurée, ce qui peut aussi causer une usure précoce.

Autre facteur: les canons sont souvent utilisés par l'Ukraine au maximum de leur capacités, notamment concernant leur portée. Cela nécessite des obus dont la charge explosive est plus importante, et qui mettent les tubes des pièces à plus rude épreuve.

Comme l'explique le New York Times, le Pentagone était prévenu de ce qui allait arriver, notamment avec ses M777, d'où l'organisation discrète de ces ateliers de réparation en Pologne. Conçue majoritairement en titane pour une question de poids et de manœuvrabilité sur le terrain, la pièce a été prévue pour une utilisation plutôt modérée.

Mais lors de la campagne contre l'autoproclamé État islamique en Syrie, une compagnie a déployé quatre de ces canons, qui ont tiré 23.000 obus en cinq mois (ce qui représente, selon le quotidien américain, 55 fois ce que tire une arme de ce type en temps de paix et pendant l'entraînement). Trois des pièces, usées jusqu'à la corde, ont dû être retirées du front par le Pentagone, qui a alors fait appel à une réserve au Koweït.

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