Si un véhicule se conduit seul, pourquoi inclure un volant? Et si aucun être humain ne se trouve à son bord, pourquoi la loi l'obligerait-il à être équipé d'une ceinture de sécurité? C'est à ce type d'embrouillamini juridique qu'est confronté le juriste David Estrada, dont le travail de lobbying est présenté dans un article de Bloomberg.
Estrada connaît son affaire. Il a collaboré avec Lyft, afin de pousser les villes et les États à assouplir leur régulation des services de VTC. Pour Bird, il a ouvert la voie à l'acceptation des trottinettes électriques dans plus d'une centaine de collectivités. Il a également aidé Google X à façonner le premier corpus législatif dédié aux véhicules autonomes en Californie, en Floride ou dans le Nevada.
L'Américain travaille désormais pour la start-up de Mountain View Nuro, dans laquelle le SoftBank Group de Masayoshi Son a investi 1 milliard de dollars.
Nuro cherche à révolutionner le marché des livraisons en lançant sur les routes des flottes de petits véhicules autonomes, chargés de divers biens que les destinataires peuvent récupérer au gré des passages.
«Mon espoir est de pouvoir aider Nuro à être le premier succès commercial des véhicules autonomes, ce que je voulais déjà faire lorsque j'ai commencé sur cette voie avec Google», explique David Estrada à Bloomberg.
Dispositifs législatifs à adapter
Un programme pilote de la start-up s'est achevé cette année à Scottsdale, en Arizona, et un partenariat avec Domino's Pizza a été signé pour livrer dans certains quartiers de Houston, au Texas. Mais pour pérenniser ces expérimentations, il faudra surmonter nombre d'obstacles juridiques.
Aux États-Unis, les États sont chargés de la délivrance des permis de conduire, ainsi que de la régulation du trafic sur leurs routes et highways. Au niveau fédéral, la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) a quant à elle la tâche d'édicter des règles de sécurité pour les véhicules.
Dans les deux cas, les innovations à faire accepter par le système sont multiples. Comment intégrer les voitures autonomes aux dispositifs législatifs existants? Sans être humain dans l'habitacle, quels prérequis sécuritaires restent indispensables, lesquels peut-on à l'inverse supprimer? Comment, en pratique, intégrer le trafic de ces véhicules à des routes déjà largement congestionnées, plus encore depuis l'arrivée en masse des VTC?
La question sociale se pose aussi: à l'heure de l'automatisation de masse, notamment portée par Amazon, la technologie pourrait menacer l'emploi des 400.000 livreurs et livreuses que comptent actuellement les États-Unis.
Selon Estrada, la sécurité des piétons, des animaux de compagnie ou des autres véhicules a été mise au cœur de la conception des petits engins de Nuro. Le spécialiste de l'autonome soutient également qu'il n'est pas question de pousser des êtres humains au chômage mais de faire croître le marché de la livraison, ce qui permettrait de créer des emplois dans les supermarchés ou les restaurants.