Sans le ronronnement d'un moteur à combustion sous le capot, quel bruit doit faire une voiture électrique pour signifier son passage? Voilà quelque temps que les constructeurs automobiles d'Europe se penchent sur la question. Dès 2014, le Parlement européen a décidé que tout nouveau véhicule souhaitant être homologué pour les routes de l'UE devrait se doter d'une sonorité spécifique s'il roule en dessous de 20 km/h: la mesure est obligatoire depuis le 1er juillet 2019.
Chaque nouvelle voiture mise sur le marché doit ainsi disposer d'un Acoustic Vehicle Alerting System (AVAS), c'est-à-dire un haut-parleur monté à l'extérieur. Sous la vitesse minimum, il doit diffuser un son d'au minimum 56 décibels, l'équivalent d'une conversation en intérieur ou d'une brosse à dent électrique.
Le son doit également augmenter ou diminuer pour indiquer si le véhicule accélère ou déccélère. L'objectif est clair: protéger les piétons que les véhicules électriques ou hybrides auraient, selon certaines études, 40% de chances de plus de heurter.
Objet roulant non identifié
Les fabricants ont pour le moment tous proposé des sons similaires: le bip futuriste d'un vaisseau spatial, le vrombissement d'un robot ou le constant «pop» de bulles qui éclatent.
C'est par exemple le cas de Transport for London (TfL), qui s'occupe du réseau de bus de la capitale anglaise. Mais les expert·es du sujet, notamment les associations de non-voyant·es et de malvoyant·es qui ont fortement soutenu le projet, restent très sceptiques. Car si la demande semble simple, encore faut-il que les nouveaux sons pensés par le marketing ne s'avèrent pas plus dangereux que le silence.
«TfL essaye de produire quelque chose qui, je pense, sera en dehors des législations», analyse pour le Guardian Tony Bowen, salarié de Brigade Electronics, une firme qui a passé trois ans à développer un son pour véhicule silencieux. «Les bulles, les sifflets et les cloches ne sonnent pas comme un engin à combustion et ne s'accorderont pas aux règles.»
Des règles ouvertes aux interprétations
Les règles exigent un son continu et progressif (pas une mélodie) qui doit clairement être celui d'une voiture (ni un bruit d'animal, ni un son naturel comme celui des vagues). «Les régulations font référence à un son qui augmenterait lorsque le véhicule accélère, mais il n'y a aucune mention d'un son qui doit imiter celui d'un moteur à combustion interne», se défend un représentant de TfL.
Une mésaventure chez Jaguar Land Rover (JLR) pourrait cependant pousser les constructeurs automobiles vers des sons imitant ceux des engins à combustion, clairement identifiables et liés à ceux d'une voiture.
JLR a suivi la tendance générale et mis au point un AVAS qui ressemblait à celui d'un OVNI de film de science-fiction. «C'était très futuriste», constate Ian Suffield, ingénieur du son à JLR, auprès de Wired UK, et ça s'accordait au marketing de la voiture, moderne. «Mais cela poussait les gens à regarder en l'air plutôt que sur les côtés.»